Ermites ardennais
De par le monde...
Selon le Larousse, l'ermite (jadis orthographié : hermite) est ”un solitaire qui se livre dans un lieu désert à la prière et à la mortification”
Il s'agit d'une personne, homme ou femme, qui fréquente peu ou point de monde
Cette assertion justifie la rareté des récits de vie consacrés aux ermites en général et à ceux des Ardennes en particulier. A toute époque, la vie dans l'ombre, de surcroît si elle est marginalisée, a peu de chance de briller sous les feux des projecteurs de la société.
L'Ermite représenté sur une carte à jouer vers 1475-1500. Italie du Nord
Dessin à la plume (source Bnf Gallica)
Le statut d'ermite n'est pourtant pas nouveau.
Depuis la nuit des temps l'érémitisme s'est pratiqué partout.
Dans le Nouveau Testament, le récit biblique présente Jean le Baptiste retiré du monde, simplement vêtu de peau de bêtes, se nourrissant exclusivement de miel sauvage et de quelques sauterelles.
Le Christ lui-même se retire au désert pendant quarante jours.
Sans entrer dans une fastidieuse énumération des ermites célèbres qui ont, eux, marqué l'histoire, citons les plus emblématiques :
- Paul de Thèbes est présenté comme le premier ermite chrétien qui s'isole dans la solitude vers l'an 250.
- De la même époque Saint Antoine est considéré comme le père des ermites et des moines. Sa lutte contre le démon, qu'il perçoit sous la forme d'animaux fantastiques, est restée célèbre. Des écrivains, Flaubert par exemple, des artistes peintres (Bosch, Dali, Brueghel...) ont commenté et illustré ”La Tentation d'Antoine”.
La Tentation de Saint Antoine vue par Jan Mandijn vers 1525 / 1535 Lisbonne (photo web)
Voir également dans ce blog la description du tableau peint conservé dans l'église d'Ecueil (Marne) sous le lien :
ECUEIL : confessions autour de son église
- Siméon le Stylite, vivant pendant trente ans au sommet d'une colonne de dix-sept mètres de haut voulait ainsi échapper à tout contact humain. Si le haut de la colonne était ceint d'une balustrade, la légende assure qu'elle était dépourvue de plate-forme pour y coucher ! .🤔
- Un stylite ardennais s'est rendu célèbre en terre yvoisienne. Le bien connu Saint Walfroy ne se présente plus ! Sa notoriété a été favorisée par Grégoire de Tours qui vint le rencontrer en 585. Les épisodes de la vie du saint homme ont largement tissé la trame d'innombrables publications sans qu'il soit besoin de les citer. Ses adeptes vouent toujours un culte soutenu à sa mémoire. L'ermitage de Saint-Walfroy près de Margut demeure un lieu de forte fréquentation où se déroulent différentes manifestations cultuelles (célébrations, pèlerinages, retraites etc...). L'association ”Les Amis de l'Ermitage de Saint-Walfroy” assure la promotion du site avec l'organisation régulière d'événements culturels. Elle a fêté ses dix ans d'existence en 2023.
La dévotion au saint ardennais s'est répandue dans les églises du diocèse, comme en témoignent les nombreuses représentations sous la forme de statues, de tableaux peints, de vitraux ou d'autels secondaires placés sous son vocable
Photos issues de l'inventaire du mobilier du Patrimoine des églises des Ardennes
https://inventaire-chalons.grandest.fr
- Robert d'Arbrissel, l'un des plus illustres ermites français du Moyen-Âge, fondateur entre autres de l'abbaye de Fontevraud, précurseur du féminisme, était un itinérant avéré. Mais face à des détracteurs en désaccord avec ses méthodes moralisatrices, il termine sa vie de prédicateur en ermite dans la forêt angevine.
De ce marcheur infatigable le prieuré Sainte-Marie de Fontevraud à Chemillé conserve son bâton de marche muni d'une pique en bronze et surmonté du tau de saint Antoine.
Bâton de Robert d'Arbrissel
La poignée du bâton abbatial en forme de Tau est en cristal de roche, les anneaux en cuivre. Un modèle qui fait pâlir d'envie tout randonneur, fusse-t-il détenteur d'une makhila basque !
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L'apogée de l'érémitisme français couvre la période de la fin du XVIe siècle jusqu'à la Révolution avec une phase créatrice qui dure de 1590 à 1636.
Huit guerres civiles, opposant catholiques et protestants, secouent la France de la fin du XVIe siècle livrant son lot d'atrocités et de doutes parmi les combattants.
A l'issue des conflits, nombreux sont ceux qui aspirent à une vie spirituelle apaisée et sont séduits par l'érémitisme.
Parmi ces laïcs en recherche d'absolu toutes les catégories sociales sont représentées : chefs militaires, savants, ou simples paysans parfois illettrés. Malheureusement sur cet âge d'or des ermites, très peu de documents nous sont parvenus.
Pour cette période dans les communautés monastiques un vrai élan de recherche de solitude s'observe aussi. L'ermite confirmé ne se contente plus de la prière monastique reposant sur la trilogie lectio, meditatio, oratio (=lecture de l'Ecriture sainte, méditation, oraison), il privilégie la catégorie la plus radicale proposée dans la règle de Saint Benoit, celle d'une vie d'anachorète.
Les trois autres sont :
- les cénobites, moines communautaires qui se regroupent dans un monastère et suivent une règle sous l'autorité d'un père abbé
- les sarabaïtes conduisent leur vie religieuse seuls ou à deux selon leurs fantaisies
- les gyrovagues se déplacent constamment au gré de leurs envies surtout gastronomiques.
en terre ardennaise...
Clercs et laïcs constituent aussi la trame de l'érémitisme ardennais dans sa période faste.
Les documents d'archives le concernant sont disparates; toutefois subsistent, sur la courte période allant de 1671 à 1710 les registres et journaux de l'archevêque de Reims, Mgr Charles-Maurice Le Tellier, écrits de sa main. Quelques anecdotes consignées lors de ses tournées pastorales dans le diocèse concernent les Ardennes. Elles ont notamment inspiré l'abbé Jean Sainsaulieu pour rédiger son ouvrage magistral ”Les ermites français” (1974 édition du Cerf). Celui-ci sert de fil conducteur au présent article.
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Mgr Le Tellier, grand personnage de son temps -il était Pair de France- est homme d'autorité et de rigueur.
Le comportement de certains ermites de son diocèse l'irrite, surtout si ceux-ci n'appartiennent pas à un ordre reconnu par l'Église.
Mgr Le Tellier
Beaucoup mènent leur vie solitaire à l'écart des habitations humaines, soit à proximité d'une rivière ou d'un ruisseau, soit le plus souvent au pied de la source même du cours d'eau. Ils bâtissent là, en limite de village, une modeste maison ou une cabane servant de chapelle.
Autry
A Autry l'ermitage «a esté batie par les habitants du lieu» à proximité de la chapelle Saint-Lambert qui fut élevée au XIIIe siècle.
La demeure de l'ermite a été rebâtie en 1613.
Au siècle dernier le souvenir d'un vieil homme surnommé l'ermite est resté dans les mémoires. Il était le gardien de la chapelle et assurait les fonctions de fossoyeur dans le cimetière entourant la dite chapelle.
Il déambulait revêtu de sa pèlerine ornée de coquilles et ses maigres ressources consistaient en dons en nature par les habitants d'Autry.
A proximité de la chapelle, en bordure du chemin qui file, à droite du cimetière, vers le nord-est, la fontaine et son édicule identifient la source Saint-Lambert utilisée par les ermites.
Près de la porte d'entrée de la chapelle une notice informe les visiteurs sur l'histoire des lieux. Datée de juin 2019, elle est l'œuvre de l'Association de Sauvegarde du Patrimoine Vouzinois. Une statuette d'un ange en adoration remplit la niche surmontant le linteau de l'édicule qui abrite la source. En-dessous, gravée dans la pierre, l'inscription Saint Lambert se devine accompagnée d'une date : 1855.
Challerange
Les ermites successifs de Challerange se sont installés en périphérie du village actuel au lieu-dit Bucheny.
L'ermitage possédait sa chapelle dédiée à Saint Martin.
A proximité, jaillissant de la gaize, une source abritée sous une fontaine les approvisionnait en eau limpide pour leur alimentation et leurs ablutions. Tout autour le cimetière occupe une grande superficie. A une époque sa particularité tenait au fait que ce champ, réservé aux trépassés du lieu et des communes voisines, était la propriété de l'ermite.
Il assurait alors la fonction de fossoyeur.
Le lieudit Bucheny au nord du village
Le chemin qui conduit au cimetière
Mais sous l'épiscopat de l'archevêque Charles Antoine de la Roche-Aymon le doyen de Challerange se plaint auprès de sa hiérarchie :
- «Le cimetière est en mauvais état. L'hermite qui y fait sa résidence entreprend, malgré les défenses réitérées que je lui ai faites, de faire son jardin et de planter ses légumes dans les endroits mêmes où j'ai enterré des corps. Je supplie Son Excellence de donner des ordres»
Il est vrai que le cimetière était depuis fort longtemps utilisé comme potager par les ermites successifs puisqu'ils en étaient le gardien ce qui leur autorisait quelques privilèges.
L'ermite incriminé se nomme Jean-Baptiste Guerlet (ou Gerlet), il est né à Reims dans le quartier Cérès. Après avoir appartenu à la congrégation des ermites établie dans le diocèse de Verdun, il revient onze ans plus tard au diocèse de Reims et trouve l'ermitage vacant de Challerange pour s'y installer. Il se fait appeler Frère Antoine, nom choisi lors de son épisode monacal, il en conserve également l'habit.
L'ermitage est situé «dans le lieu où est le cimetière de la paroisse. Le cimetière est esloigné d'un demy quart de lieue de la paroisse et est fermée de vives hayes»
Le cimetière actuel de Challerange vu par l'arrière
Notre brave ermite, âgé de cinquante cinq ans, trouve une chapelle Saint-Martin en ruines depuis un demi-siècle. A part les griefs énoncés ci-avant, le curé «ne connait rien contre sa conduite», comprenons qu'il observe le célibat à la lettre. Mais il a une fâcheuse tendance à mendier pour subvenir à ses besoins de bouche et sans doute aussi à retrouver un peu de vie sociale. Il part donc sur les routes avec son bâton de pèlerin et frappe aux portes en quête de nourriture et de chaleur humaine. Le succès est au rendez-vous, hélas cette démarche deplait au curé qui ne voit en l'homme qu'un concurrent en recherche d'aumônes
La situation s'annonçait différente avec un de ses prédécesseurs. Nous voici revenu sous l'épiscopat de Mgr Le Tellier quelques années auparavant.
En répondant à l'archevêque qui le questionne, le curé explique que l'ermite est un grand vieillard qui n'a pas pu partir et qu'on a recueilli «le nommé Jean Didier, âgé de soixante dix huit ans nous a promis de ne plus prendre la qualité d'hermite; il sert à l'église; il n'y a aucune plainte contre lui et il porte son habit séculier et demeure dans le bourg»
Monthois
Il ne reste rien des habitations du hameau de Singly jadis rattaché à Monthois.
Le lieudit Singly
Le plan cadastral de 1830 (parcellaire D1) en conserve les indications toponymiques.
Accessible depuis la route départementale D 15 (en sortie de Monthois vers Liry), le chemin, à droite, qui part vers le nord depuis la croix Flambeau, conduit à l'emplacement du hameau disparu. (aujourd'hui terre agricole en culture)
La chapelle Saint-Pierre
Au nord du groupe d'habitations se situait l'ermitage avec sa chapelle dédiée à Saint-Pierre.
L'ensemble était ceint de haies vives, à l'abri des regards indiscrets.
Les moines successifs bénéficiaient de la proximité du ruisseau de Jailly avec son une eau vive. Le secteur immédiat boisé offrait le bois de chauffage.
Au pied de la croix Flambeau, départ du chemin vers le lieudit Singly
L'écrivain journaliste Albert Meyrac fait état d'un ”important prieuré de femmes” sans préciser ses sources ni avancer de dates.
C'est sous l'épiscopat de Mgr de la Roche-Aymon qu'un rapport du curé doyen de Monthois évoque l'ermite du moment en des termes similaires à ceux de son confrère de Challerange : «Il y a à Singly, hameau de la paroisse, un homme que le vulgaire appelle hermite. Il est vêtu d'une bure grise et garde la chapelle dudit Singly. Actuellement c'est un bonhomme de la paroisse qui était réduit à la mendicité et qui, à la faveur de son habit, a le privilège de quêter du pain sans crainte des archers»
La mendicité ou simplement le besoin de satisfaire sa faim n'a pas bonne presse.
Le reproche de ce curé, entièrement partagé par l'évêque, exprime un fort ressentiment, sans doute avéré dans les faits, car pour l'Église la mendicité est cause d'oisiveté.
La croix de Singly mentionnée sur la carte IGN ne semble plus exister. Celle qui subsiste dans le bouquet d'arbres, près de l'exploitation agricole en sortie de Monthois, concerne une dédicace à la mémoire d'une famille.
Chestres
L'écart de Chamiot (parfois orthographié Chamillot ou Chamiau) fait partie de la commune de Chestres, aujourd'hui rattachée à celle de Vouziers.
Situé en bordure de la départementale D 946 reliant Vouziers à Stenay, l'endroit, entouré de forêt, ne manque pas de charme.
Jadis l'ordre des Templiers y avait construit une grange pour l'exploitation des terres et bois environnants.
A proximité d'une source, au nord de la ferme actuelle, les moines y avaient édifié une chapelle et un ermitage dont il ne subsiste aucun vestige visible. C'était une dépendance de la maison templière de La Chambre-aux-Loups. L'ermitage ne comportait, en dernier, que deux cellules pour y loger deux ermites.
La chapelle était dédiée à Sainte Avoye dont la statue dominait l'autel. Les Templiers vouaient un culte particulier à la sainte martyre. Au XVIIIe siècle, après destruction de ladite chapelle, la statue fut installée en 1772 dans l'église Sainte-Croix de Boult-aux-Bois où elle demeure.
Mais en 1757 le curé vicaire de Ballay y venait toujours célébrer la messe une fois par semaine. A cette époque le culte voué à la sainte s'accompagnait d'une grande dévotion. (fête le 6 mai)
Une plus ancienne statue, plusieurs fois rénovée, se voit également dans l'église de Chestres. Elle a été répertoriée par les Monuments Historiques sous la dénomination de Sainte Agathe dont elle n'a pas les attributs habituels.
Sainte Avoye (Avoie, Aurée, Aurea), originaire de Sicile, rejoint la Grande Bretagne. Compagne de Sainte Ursule, sa cousine, elles sont toutes deux martyrisées. Avoye se sauve, rejoint l'Allemagne par l'embouchure du Rhin, remonte le fleuve jusque Cologne où elle est de nouveau assaillie par des barbares : les Huns. Une nouvelle fois elle parvient à leur échapper et se réfugie près des côtes de la mer du Nord dans le Boulonnais.
Elle se retire dans un bois auprès d'un bourg appelé Divernie (Desvres) où elle entame une vie d'anachorète. Un oratoire a été bâti en ce lieu et occupé pendant plusieurs siècles par des ermites. Elle inspirera les frères Templiers.
Une chapelle lui avait été consacrée dans l'église de Belleville-sur-Bar. On invoquait sainte Avoye pour les enfants qui tardent trop à marcher et pour les pécheurs endurcis.
Vers la fin, l'ermitage de Chamiot n'était déjà plus occupé que par un seul frère car, en 1678, Mgr Le Tellier raye plusieurs fois le mot ermite sur son registre pour indiquer que celui-ci a renoncé à sa fonction.
Pourtant une archive de 1710 indique que la chapelle de Chamiot abrite «ordinairement un ermite».
On note également que «Bertrand de Courtrai, veuf en seconde noce, décide en 1746 de se faire solitaire en la chapelle de Chamiot sur le territoire de Ballay».
En 1768 le récit de la visite de l'ermitage indique une solitude «ouverte en plusieurs endroits du plancher qui la couvre» avec des fenêtres et une porte dont les boiseries laissent passer le jour. Une situation d'insécurité préoccupante favorisant la visite possible de «malveillants qui pourroint facilement s'emparer du calice et des ornements qui sont dans la chapelle et s'en servir à des usages indécents»
La destruction de la chapelle devait suivre peu de temps après.
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La règle dévolue aux ermites impose que l'ermitage soit établi dans un lieu solitaire, comme une forêt, ou pour le moins, à bonne distance des villages afin que son hôte ne soit pas distrait par le bruit et l'agitation du monde.
La vie quotidienne du solitaire est rythmée par la prière, la lecture sainte et ses publications dérivées, mais selon la devise Ora et labora (prie et travaille) l'ermite est tenu à un travail manuel.
C'est pourquoi l'ermitage est souvent entouré d'un jardin que son résident entretient et cultive.
Parfois également, selon ses aptitudes, il s'adonne à d'autres activités comme la vannerie, l'apiculture, le bûcheronnage, la cordonnerie, la sculpture d'objets pieux etc...
Le rôle social de l'ermite trouve du sens dans la garde du cimetière ou la sonnerie des cloches de l'église.
Il peut donner l'alerte en cas d'incendie ou éclairer les voyageurs égarés par temps de brouillard.
Si solitude et silence sont ses maîtres mots, l'ascèse compte beaucoup dans son parcours spirituel.
Jeûne, abstinence, veille, sont pratiqués dans une absence totale de confort. Si l'hiver, la modeste hutte ou l'abri de fortune improvisé ne parviennent pas à réchauffer le corps meurtri par tant de mortifications, alors l'ermite se réfugie dans l'église pour y trouver un réconfort de l'âme et un peu de la chaleur sous les murs épais de l'édifice.
Lorsqu'il appartient à un ordre : bénédictin, camaldule, franciscain ..., le frère porte le vêtement propre à sa congrégation dont il devra suivre la règle.
Alors il peut être invité à aider le prêtre de la paroisse au cours des offices comme servir la messe ou bien le seconder dans les missions pastorales (par des prédications).
Les ressources de l'ermite le confinent à l'indigence. Les offrandes et les quêtes constituent le plus souvent ses seuls revenus de subsistance. La quête est subordonnée à l'attribution d'une circonscription par l'archevêché ; celle-ci se limite généralement aux villages voisins. Plus rarement il bénéficie d'une rente, d'une donation, ou d'un revenu issu d'un héritage familial.
Soumis à l'autorité de l'évêque/archevêque, il peut être placé sous la tutelle du curé de la paroisse qui veille au respect de la règle édictée par l'ordre auquel il appartient.
L'ermite côtoie la mort au quotidien. Il entretient avec elle une sorte de familiarité.
On l'a noté, il assure très souvent le métier de fossoyeur. Il est le locataire (voire le propriétaire !) du cimetière dont il fait sa résidence. On l'appelle pour la reviviscence des enfants morts nés afin de leur administrer le sacrement du baptême.
La tête de mort est le symbole iconographique des ermites.
Les tableaux peints de nos artistes représentent toujours cet attribut aux côtés des saints ermites (Antoine, Jérôme ,,,)
Dans son ouvrage l'abbé Sainsaulieu indique qu'au XIXe siècle on verra "l'abbé Rondeau du diocèse de Reims, restaurateur de l'ermitage de Saint-Walfroy, sur la sainte Montagne des Ardennes, se faire photographier en prière à sa table avec une tête de mort devant lui"
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Sainte-Vaubourg
Les notes de Mgr Le Tellier mentionnent l'existence d'un ermite à Sainte-Vaubourg.
Il se nomme Frère Jean Olivier et vit à proximité de l'église Notre-Dame de l'Assomption.
Peut-être s'est-il installé dans une des pauvres bicoques de "la ruelle des Morts" ou en contre-bas du cimetière ?
Les relations avec le prêtre, curé de la paroisse, sont tendues. Jean Vuarmont s'en plaint à l'archevêque qui décide de le chasser.
Jean Olivier a-t-il manqué à ses devoirs, sollicite-t-il abusivement des aumônes auprès des villageois ?
Le motif n'est pas indiqué.
L'ermite chassé trouve un refuge à quelques centaines de mètres de l'église.
La voie romaine, ce grand axe descendant du nord vers Reims, coupe perpendiculairement la route départementale D 21 qui relie aujourd'hui Sainte-Vaubourg à Chuffilly.
Cette voie, en rejoignant Vaux-Champagne, traverse une zone humide boisée. C'est ici que frère Jean Olivier décide d'installer un ermitage de fortune à proximité d'un ruisseau, affluent de la Loire, qui l'approvisionne en eau courante et potable (à l'époque !)
Au lieudit l'Ogneau (ou Logneaux), il trouve là, solitude et sécurité dans un endroit retiré, qui toutefois lui offre le loisir, s'il est vannier, de vendre sa production artisanale aux passants et cavaliers empruntant épisodiquement la voie romaine.
Le lieu a donné son nom à la parcelle du terroir qu'il occupait.
Jean Olivier finit par quitter son refuge au bout de quatre années, il part s'installer à Saint-Juvin où, à nouveau, il est chassé définitivement par l'archevêque Le Tellier.
Aujourd'hui l'endroit est une terre cultivée privée du bocage d'antan qui résultait de la multiplicité des parcelles composant le paysage. Il a perdu tout le charme qu'offrait une végétation arbustive variée.
Ainsi s'est tournée, par la volonté d'un évêque hostile à l'érémitisme, une page de l'histoire locale de notre campagne.
A l'apogée du mouvement érémitique le diocèse de Reims comptait 21 ermitages pour ses 517 paroisses, à la fin du XVIIIe siècle la partie ardennaise du diocèse ne comptait plus que 6 ermites !
Bibliographie conseillée :
L'érémitisme dans les diocèses champenois et lorrains. Fin XVIe courant XIXe siècle
Philippe Masson
Université Lumière Lyon 2. Sciences sociales. Laboratoire de recherche historique Rhône - Alpes
Thèse de doctorat 2013
@jlcollignon
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