L'insolite de l'art chrétien : églises de Champagne-Ardenne

L'insolite de l'art chrétien : églises de Champagne-Ardenne

Des petits trous aux corbeilles des chapiteaux romans

 

La floraison de l'art roman occupe tout le XIIe siècle.

 

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Chapiteau double du cloitre de Notre-en-Vaux Châlons-en-Champagne

 Cathédrale de Reims

Reims, XIIe siècle : Samson Mauvoisin, 50ème archevêque (de 1140 à 1161), commandite des travaux dans son église-cathédrale.

Il fait construire un grand chœur à déambulatoire avec colonnes engagées et chapiteaux chargés de rinceaux et de feuillages (vers 1150).

Un événement inattendu bouleverse le cours de l'histoire de l'édifice métropolitain : le 6 mai 1210 un incendie ravage la cathédrale.

Un an plus tard débutent les travaux d'une longue reconstruction au cours de laquelle se succéderont plusieurs architectes.

Bien que sortis indemnes du feu meurtrier, les chapiteaux du chœur disparaissent au moment des travaux, enfouis dans les fondations du  bâtiment à réédifier. Ce n'est qu'au début du XXIe siècle qu'ils réapparaissent, exhumés de leur cachette souterraine, lors de l'installation d'un nouveau chauffage. Ils vont désormais enrichir les réserves du musée lapidaire du Palais du Tau.

 

Parmi les vestiges romans du Tau, figurent ces chapiteaux « d'une étonnante variété, encore que leur décor ne soit presque exclusivement emprunté qu'au monde végétal. Leur corbeille très élancée est entourée de feuilles d'acanthe, disposés en deux rangs, finement modelées et frisées. Parfois, elles sont surmontées de lanières lisses ou striées, se recourbant en volutes vers les angles, parfois les arêtes des feuilles sont ornées de trous entourés d'anneaux ressemblant aux ventouses d'un céphalopode» (1)

Les réserves du Palais du Tau ne sont pas ouvertes au public, mais la base Mémoire (Palissy/Mérimée) du site web www.culture.gouv.fr reproduit le cliché d'un de ces chapiteaux à la rubrique : Reims, fiche technique n°7909.

 

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Chapiteau trouvé dans les fouilles de la cathédrale. Photo Henri Deneux

 

Cernay-les-Reims

Le décor de cette corbeille n'est pas une exclusivité rémoise. Dans la proche localité de Cernay-les-Reims, son église Saint-Martin abrite des modèles similaires. L'édifice est réputé pour son architecture de transition romano-gothique. De son origine, subsistent les fortes piles de la nef mais aussi «la croix du transept à beaux chapiteaux imitant l'acanthe corinthienne, ou à feuilles nervées, tous finement sculptés» (2) et datés de 1180 selon J-P.Ravaux.

 

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Eglise Saint-Martin de Cernay-les-Reims

 

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Vue n°7 issue de la base Mémoire : Mérimée / Palissy sur www.culture.gouv.fr Cernay-les-Reims

chapiteau du bras nord du transept

 

 

Châlons-en-Champagne 

Un décor «de larges feuilles découpées en lobes pointus (qui) ont une nervure centrale ornée d'un galon à trous annelés» (3) est signalé par Marc Gil à propos d'un chapiteau double du cloître de Notre-Dame-en-Vaux à Châlons-en-Champagne, sa construction ayant débuté entre 1152 et 1157.(4)

 

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Cloître de Châlons-en-Champagne

 

Les perforations qui parsèment la nervure médiane de l'acanthe étalée en palmette, s'observent aussi dans l'église de Notre-Dame-en-Vaux.

Le bâtiment primitif s'étant écroulé peu avant 1157, - seul, subsistent le niveau inférieur du transept et les tours du chevet - la nef est rapidement reconstruite avec l'active participation des fidèles, surtout grâce à «un financement exceptionnel essentiellement constitué par les offrandes» (5).

La première tranche des travaux est terminée peu avant 1183, date de la bénédiction par l'évêque Gui de Joinville, voire dès 1170 d'après Léon Pressouyre (6).

 

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Deux corbeilles de l'église Notre-Dame-en-Vaux

 

Pour Anne Prache (7) «la campagne de travaux mentionnés en 1157 et en 1165 ... s'est poursuivie jusque vers 1175 - 1180... A cette campagne appartiennent les deux niveaux inférieurs du bras sud, les rez-de-chaussée de la nef ... etc.»

 

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Le décor figure aussi à l'extérieur, sous le porche méridional.  (Notre-Dame-en-Vaux)

 

 

Orbais-L'Abbaye 

L'église Saint-Pierre d'Orbais-L'Abbaye fournit sur quelques-uns de ses chapiteaux, d'autres exemples de feuilles traversées en leur centre par une lanière perforée de trous ronds. L'édifice a perdu de sa splendeur d'antan, ne conservant qu'une travée de sa nef. Toutefois, «Saint-Pierre d'Orbais compte assurément parmi les plus attachantes églises de la Champagne ; et la mutilation de sa nef, qui lui ôta certes beaucoup de sa beauté, nous la rend plus touchante encore. Elle plait par son harmonieux équilibre et par sa sereine noblesse, par  sa structure robuste et pourtant assez dénuée de lourdeur, par la probité, la sincérité d'un art dédaigneux des artifices et visant peu à l'effet. On y saisit très nettement le reflet de l'inoubliable cathédrale de Laon...etc.» (8) et (9)

 

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Orbais et ses corbeilles aux feuilles parcourues de lanières perforées.

 

En 1180, l'évêque de Soissons consacre un autel dédié à la Vierge et à saint Thomas dans une bâtisse en cours de construction : un jalon pour dater l'abbatiale et ses chapiteaux.

Selon A. Villes «la premières campagne d'Orbais se situerait donc entre 1160 et 1170, vraisemblablement vers 1165.» (9)

Comme l'explicite la notice destinée aux visiteurs :  "l'Abbatiale d'Orbais, même mutilée, reste un des grands monuments gothiques de la Champagne dû sans doute à l'architecte Jehan d'Orbais appelé ensuite par l'archevêque de Reims à reconstruire la cathédrale Notre-Dame".

On peut même conjecturer que, sur les recommandations de l'architecte, les sculpteurs des chapiteaux d'Orbais ont pu s'inspirer du décor, alors encore en place, des chapiteaux du chœur de la cathédrale reconstruit, on l'a vu, vers 1150.

 

Binson

Le département de la Marne se targue de posséder ailleurs une autre série de chapiteaux offrant des feuilles aux galons troués. C'est au porche de l'église du prieuré de Binson qu'on l'observe.

Le prieuré est fondé aux alentours de 1077 par Miles, ou Milon, seigneur de Châtillon. Ses successeurs, Gaucher II en 1146 et Guy en 1189, enrichissent le domaine par leurs donations consignées dans des chartes. De cette époque est née l'église romane. Son histoire connait bien des péripéties, mais l'édifice finit par échoir, en 1858, à Mgr le Cardinal Gousset, archevêque de Reims. De ses deniers il entreprend la restauration d'un bâtiment délabré, ayant servi de grange. Ce bâtiment est «la plus ancienne église de Champagne» écrit Montalembert en 1838. (10)

En juillet 1918, lors de la Bataille de la Marne, l'église est détruite ; elle sera pourtant reconstruite à l'identique. Plusieurs chapiteaux romans sont récupérés et remis en place, tandis que d'autres sont retaillés à neuf.

 

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Corbeilles du portail de l'église de Binson

Cathédrale de Laon

L'évocation de la sculpture romane en terres marnaises déborde nécessairement sur le département voisin de l'Aisne, car les liens sont étroits entre les deux grandes métropoles que sont Reims et Laon au Moyen-Âge.

La pose des premières pierres de Notre-Dame de Laon est repérée vers 1155. La construction débute par le chœur et le transept. Une seconde campagne de travaux s'amorce dès 1170 avec l'édification du croisillon nord (portails et travées). Elle sera suivie par trois autres épisodes.

Revendiquant son ancienneté au titre des cathédrales gothiques, Notre-Dame de Laon n'en conserve pas moins des décors  toujours romans au niveau des premiers chapiteaux mis en place. Parmi ceux-ci figurent des corbeilles aux feuilles étalées parcourues d'un galon décoré d'anneaux (vers 1160).

 

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Ici une faune vivante sur une flore inerte!...

 

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 Quelques exemples de perforations aux corbeilles de Notre-Dame de Laon

 

Notez, dans l'exemple ci-dessous, plus tardif, que la feuille d'acanthe s'enroule en crochet dans sa partie supérieure, un signe distinctif caractéristique du chapiteau gothique. Cependant la nervure perforée subsiste sur la corbeille de ce pilier supportant les arcatures du collatéral (Troisième travée du collatéral oriental du transept sud, chapiteau central).

 

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Fiche technique 076 rubrique Laon base Mérimée/ Palissy issue du site www.culture.fr

 

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fiche n° 650 : Trois chapiteaux des galeries ou tribunes de la base Mémoire

 

 

Bruyères-et-Montbérault

Comme à Reims, l'engouement pour les petits trous chez les "ymagiers" médiévaux s'est répandu autour de Laon.

A l'instar du poinçonneur des Lilas chanté par Serge Gainsbourg, ces précurseurs de la perforation ont exercé leur talent sur les chapiteaux de l'église de la Visitation de Bruyères-et-Montbérault.

Le portail ouest de la nef réalisée dans le deuxième quart du XIIe siècle conserve un bel exemple d'une acanthe parsemée de trous.

Marc Gil confirme que : «ce modèle, dont la conception remonte à l'art des années 1150, se retrouve en Champagne autour de Reims et de Laon jusque dans les années 1170» (3) page 196.

 

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Eglise de la Visitation Bruyères-et-Montbérault

 

La corbeille en bon état, car jadis abritée sous un porche dont les deux colonnes avancées portent témoignage, est surmontée d'un tailloir dont le petit abaque inférieur mouluré, est lui aussi criblé de perforations.

A l'intérieur de l'édifice d'autres chapiteaux affichent un décor plus stylisé inspiré du même modèle, comme ci-dessous.

 

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 Bruyères-et-Montbérault

 

Nouvion-le-Vineux

L'église Saint-Martin de Nouvion-le-Vineux possède des chapiteaux du XIIe siècle (vers 1167). Leur corbeille, avec des feuilles séparées longitudinalement par une bande perforée, est surmontée d'une couronne-coussinet dont la tranche porte aussi une succession de trous. 

Cette disposition peut être rapprochée de celle observée au portail de Bruyères.

 

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«Tantôt découpée de lobes et de dents, la feuille d'acanthe abonde dans les églises gothiques de l'Ile de France pendant la seconde moitié du XIIe siècle. Mais elle est alors traitée d'une manière nouvelle.... La surface de la feuille est couverte de sillons très rapprochés disposés en éventail comme de fines nervures ; les œillets entre les lobes et les cavités en forme de virgule qui les soulignent sont fortement creusés...Avec cette feuille d'acanthe finement nervée les sculpteurs de la seconde moitié du XIIe siècle ont réalisé de magnifiques chapiteaux qui, bien que dérivant du chapiteau corinthien, sont de véritables créations des sculpteurs "français", des chefs d'œuvre de fantaisie, de grâce et de vigueur...

... les feuilles d'acanthe finement nervées se retrouvent jusqu'à la fin du XIIe siècle dans toutes les provinces voisines de l'Ile de  France où furent élevées des églises gothiques...

 

 

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Cependant à Nouvion le décor s'enrichit de personnages ailés aux pattes dotées de serres. Le rapace, épervier ou faucon, à tête humaine est caractéristique du bestiaire roman ; il est habituellement assimilé à l'image du démon ravageur des âmes. Dans l'emblématique de l'époque médiévale, l'épervier devient par exemple l'un des attributs de l'envie.

 

... Tandis que se produisait dans les églises gothiques de la seconde moitié du XIIe siècle cette remarquable éclosion d'une flore composée de motifs romans, la flore gothique s'élaborait. Elle devait, un jour, ne plus produire que des espèces naturelles, mais il est curieux d'observer que, pour  arriver à cette fin, les sculpteurs sont partis d'un motif roman, le plus simple, le plus employé depuis des siècles - car il était, nous l'avons vu, d'origine romaine, et tous les arts issus de l'art romain s'en étaient servis : la feuille d'acanthe simplement épannelée que les archéologues désignent dans l'art roman sous le nom de "feuille plate"...

 

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Nouvion-le-Vineux

 

... Voici en Ile de France, d'intéressants exemples de flore généralisée. Les uns de la seconde moitié du XIIe siècle, la plupart de la première moitié du XIIIe siècle, montrant la grande feuille non dentée et non découpée... portant à son sommet la tête du crochet...» (11)

A Nouvion-le-Vineux, la feuille non dentée, qui allait inspirer les modèles gothiques à venir, conserve son motif de bandes verticales parsemées de trous : un bel échantillon pour engager la transition romano-gothique.

Guignicourt-sur-Aisne

Un ultime exemple axonais s'observe dans l'église Saint-Pierre de Guignicourt-sur-Aisne.

De l'édifice primitif commencé à la fin du XIe siècle et achevé au XIIIe siècle, il ne subsiste que quelques rares éléments d'architecture, tant l'église a eu à souffrir des affres du temps et de la folie destructrice des hommes. La Première Guerre mondiale a été particulièrement meurtrière. La reconstruction de l'église a été menée par l'architecte départemental Albert Paul Müller (1888 - 1965), avec la volonté de reconstituer les parties anciennes. Quelques chapiteaux romans sont donc conservés au niveau du chœur. Certains présentent le décor si particulier évoqué ci-dessus.

 

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les chapiteaux de Guignicourt-sur-Aisne

 

Sugny

Les lanières et les galons percés de trous continueront à orner la pierre des églises bien au-delà de la période romane.

Dans les Ardennes, la modeste église Saint-Remi de Sugny conserve des éléments du XIVe siècle, période de sa construction, (et aussi peut-être une sculpture romane humanoïde réemployée dans la maçonnerie?) Le portail occidental, quant à lui, a bénéficié d'une restauration récente. Le sculpteur, qui s'y est employé, s'est efforcé de conserver l'esprit de la décoration héritée de la tradition romane.

 

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L'église Saint-Rémi de Sugny et son beau décor parsemé de petits trous

 

Origine des "petits trous"

 

Le chapiteau roman emprunte à l'Antiquité le motif floral de son décor.

L'acanthe était prisée des sculpteurs grecs et romains. Elle participe au succès du chapiteau corinthien. Le sculpteur Callimaque en aurait été l'inventeur selon Vitruve qui rapporte l'anecdote un siècle avant Jésus Christ.

A l'aube de l'ère chrétienne les échanges entre les pays d'Orient et d'Occident font découvrir à ces derniers, la préciosité des étoffes tissées, la ciselure en dentelle de l'orfèvrerie et de l'ivoire.

Le tailleur de pierre du XIIe siècle a sous les yeux les œuvres laissées par ses prédécesseurs : mérovingiens et carolingiens, dont il va s'inspirer. Les séries de trous, ou à l'inverse, la suite d'oves en relief, qu'il applique aux feuilles d'acanthe stylisée, existent depuis longtemps.

Le modèle est utilisé dans les manuscrits pour décorer les lettrines. Le psautier de Stuttgart réalisé vers 820 est célèbre par sa série de lettrines illustrées avec plus de 300 miniatures. Un autre psautier, issu également de l'abbaye de Saint-Germain-des-Prés, mais daté du XIe siècle montre, à chaque début de psaume, l'image d'une lettre capitale richement décorée.

On y voit par exemple la lettre B chargée d'un dessin floral où s'entremêlent rinceaux et feuilles d'acanthe. La nervure centrale des feuilles se pare d'un alignement de petits cercles..., une source d'inspiration pour le futur décor d'un chapiteau?

 

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le psautier du XIe siècle de Saint-Germain-des-Prés (photo copiée du web à partir du site bnf)

 

Les verrières du Trésor de la cathédrale de Châlons-en-Champagne

L'art du vitrail à l'époque romane intègre le décor des feuilles végétales figurant le dessin des perforations.

La chapelle du Trésor de la cathédrale Saint-Etienne de Châlons-en-Champagne renferme trois verrières qui comptent parmi les plus anciennes conservées sur le territoire national.

La première, réalisée entre 1138 et 1147, illustre la Rédemption dans une évocation typologique où les scènes de l'Ancien Testament sont mises en correspondance avec la Crucifixion. La seconde, datée de 1155 environ, décrit la découverte des reliques de saint Etienne. La troisième, exécutée vers 1165 / 1170, raconte des épisodes de l'Enfance du Christ. (explications détaillées sur le site : www.cathedrale-chalons.culture.fr/tresor.htm)

Les motifs sont observés dans les bandeaux latéraux qui encadrent les scènes historiées ou même, au centre de la verrière, dans l'épisode de l'Enfance du Christ.

 

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Les vitraux du XIIe siècle du Trésor de la cathédrale de Châlons-en-Champagne

 

 

 

 La raison d'être des "petits trous"

Les sculpteurs romans raffolent des oppositions entre les pleins et les vides ; par ce procédé, ils accentuent les contrastes visuels que produit la lumière sur les zones d'ombre. Les successions d'arcatures, ou bandes lombardes, appliquées à la nudité des murs extérieurs font écho à ce souci des bâtisseurs. Les corniches à décor de billettes produisent le même effet.

Mais l'intérieur de l'édifice médiéval ne reçoit la lumière diurne qu'avec parcimonie. Son éclairement provient des cierges et des bougies allumés.

Le vacillement de leur flamme entretient une atmosphère mystique qu'accentue la vue omniprésente des couleurs, car à cette époque, les chapiteaux sont peints. La juxtaposition de couleurs claires et foncées rend les reliefs plus perceptibles.

A Saint-Martin-du-Canigou les chapiteaux de marbre présentent, eux aussi, des trous percés au trépan dans lesquels étaient insérées des billes de plomb aujourd'hui disparues. Le but était de leur donner vie.

De même les parties évidées de la nervure médiane de l'acanthe ont pu être garnies de cabochons ou autres verroteries colorées afin d'en sublimer l'apparence. Le maître-verrier du Moyen-Age maitrise parfaitement l'art de fabriquer de fausses pierres précieuses.

Le livre de l'écrivain liégeois Jean d'Outremeuse (1338 - 1400) "Le Trésorier de Philosophie naturelle des pierres précieuses" reste une référence pour son époque. (12)

Les statues des Vierges en Majesté auvergnates se parent de verroteries chatoyantes tout comme le Christ habillé du XIVe siècle de la basilique Saint-Remi de Reims. Voir :Un Christ tout habillé vu dans Reims.

 

Perforer régulièrement la surface du galon qui orne une feuille d'acanthe aboutie, exige dextérité et finesse. Au XIIe siècle, le tailleur de pierre ne dispose que d'outils manuels qui sont à percussion lancée pour le dégrossissage ou à percussion posée pour le travail plus délicat.(13)

Les trous sont généralement réalisés en trois étapes.

Le ciselet (ou gravelet), sorte de petit ciseau, délimite l'emplacement de la perforation, puis la pointe à tête tronconique, utilisée en percussion posée, amorce l'évidement. Le trépan, enfin, façonne le trou parfaitement.

Le trépan est à vilebrequin ou à archet. Au Moyen-Age, il semble que ce dernier ait eu la faveur des sculpteurs. Le mouvement rotatif de la traverse sur le fût assurait une rotation régulière de la virole au contact de la pierre.

 

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Planche d'outils extraite de l'ouvrage d'André Félibien : "Des principes de l'architecture de la sculpture, de la peinture et autres arts qui en dépendent". 1697

 

 

(1) La cathédrale de Reims. Hans Reinhardt. P.U.F. 1963 page 59.

(2) Les églises rurales romanes du pays de Reims et des Ardennes. Hubert Colin. Sté d'Etudes Ardennaises. 1974. page 81.

(3) Actes du colloque des 7 et 8 décembre 2009. Namur. Pierre - Papiers - Ciseaux Architecture et Sculpture Romanes (Meuse Escaut)

Article : Innovations plastiques et transferts artistiques en Champagne au XIIe siècle. Marc GIL. page 196.

(4) idem à (3) page 182.

(5) Le guide du patrimoine. Champagne Ardenne. Jean-Marie Pérouse de Montclos. Hachette. 1995. page 127.

(6) Dictionnaire des églises de France. Champagne, Flandre, Artois, Picardie. Robert Lafon. 1969. page 37.

(7) Congrès Archéologique de France. 135e session. 1977. Champagne. Sté Française d'Archéologie. Paris. 1980. Anne Prache : l'église Notre-Dame-en-Vaux de Châlons. page 284.

(8) Mémoires de la Société d'agriculture, commerce, sciences et arts du département de la Marne. 1965 (T80,A1965). Pierre Héliot pages 86 à 112.

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6568770m/f109.item.zoom

(9) idem à (7) voir : L'ancienne abbatiale Saint-Pierre d'Orbais par Alain Villes pages 549 à 589.

(10) Revue des Deux Mondes. Tome XVI. 1838 page 522.

(11) La Flore sculptée des monuments du Moyen Age en France. Denise Jalabert. Éditions Picard. 1965. pages 96, 97, 98.

(12) Gemmes, verre coloré, fausses pierres précieuses au Moyen-Age, le quatrième livre du «Trésorier de Philosophie naturelle des pierres précieuses» de Jean d'Outremeuse. - Anne-Françoise Cannela. 2006

(13) L'outillage traditionnel du tailleur de pierre, de l'Antiquité à nos jours. Jean-Claude Bessac. Editions CNRS (supplément n° 14 de la Revue Archéologique de Narbonnaise. 1986 - 1987

Egalement : la taille de la pierre : guide pratique. Centre Historique de Léon. Editions Eyrolles en ligne :

http://www.eyrolles.com/Chapitres/9782212114232/pp_75-83_Ecole.pdf

JLC

 

 

 



18/11/2016
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