SAINTE-VAUBOURG église Notre-Dame et sa Vierge allaitante (suite)
Sainte-Vaubourg : l'intérieur de son église
L'article qui suit constitue la suite d'une première partie à retrouver sous le lien suivant : SAINTE-VAUBOURG église Notre-Dame (1ère partie) ; il se compose de larges extraits de l'étude rédigée par Jules Lefranc; les extraits sont reproduits en caractères italiques.
La fin de l'article évoque le retour de la statue de la Vierge allaitante.
L'église de Sainte-Vaubourg est voûtée. Ses piliers la divise en 10 parties intérieures, savoir :
(A) parties de 7 m de largeur, situées sur le grand axe :
1° le sanctuaire, (long 6m,50)
2° le carré du chœur, (long 6m,50)
3° et 4° deux travées (long 6m et 5m)
(B) parties situées sur l'axe transversal (transept) :
5° et 6° deux chapelles latérales (largeur 5m)
(C) bas côtés :
7° à 10° quatre travées, (2 au nord et 2 au sud) qui correspondent à celles de la nef centrale (largeur 4 m et 3m)
Carte postale copie du CG08 Archives Départementales en ligne
Piliers
... ... Les piliers de la nef ... sont au nombre de 8 : 4 piliers engagés (32 au chœur, 2 près du portail) et 4 piliers isolés...
Bases des piliers
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Chapiteaux
Les 8 piliers de la nef n'ont pas de chapiteaux ; quelques uns sont décorés à la naissance des voûtes d'une bague de moulures entre lesquelles a été disposée une guirlande de feuilles ou une suite de palmettes ; mais ces motifs sont sans intérêt.
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Dans le sanctuaire un chapiteau au nord ...est formé d'un abaque quadrangulaire, de deux volutes et de palmettes; mais des têtes d'anges remplacent parfois, sur l'abaque, la rose précédemment mentionnée. Une de ces figurines, placée derrière le maître-autel, dans l'angle nord-est du sanctuaire, est particulièrement belle.
Une variante de ce type de chapiteau est à voir dans l'encoignure sud-est de la chapelle sainte Valburge. Là, une tête grotesque a été substituée au masque juvénile d'un angelot ; les volutes sont lourdes et mal venues, mais au-dessous a été sculpté un semis de roses naturelles original.
Voûtes
Les voûtes sont constituées par des nervures en pierre du pays et par des moellons de remplissage taillés dans la craie.
Dans le sanctuaire, le chœur et les croisillons, les voûtes sont de type ogival à liernes, très rare jusqu'au XVe siècle et extrêmement fréquent pendant la dernière période gothique.
Celles de la nef et du second transept comportent une simple croisée d'ogives.
Enfin, dans les bas-côtés, à droite et à gauche de la travée attenant au portail, les voûtes sont elliptiques.
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Anciennement, les sept clefs circulaires qui sont placées à la jonction des branches étaient pourvues chacune d'un petit pendentif en craie ; il ne reste plus que celui de la clef principale ; les autres représentaient une sorte de cylindre à génératrice concave.
Plan de l'église de Sainte-Vaubourg, réalisation : Jules Lefranc (double-cliquer pour agrandir les images)
Carte postale copiée du site Delcampe.com
Vue aérienne sud issue du site de Jean-Michel Benoit à retrouver sur: http://www.jmbenoit.fr/picture.php?/5110/search/7308
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Fenêtres et verrières
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Sanctuaire
Les 5 fenêtres ogivales du sanctuaire avaient une hauteur primitive dépassant 4 m ; elle est actuellement réduite à 3m,50 environ.
ces fenêtres comprennent un remplage flamboyant à leur partie supérieur cintrée et, au-dessous, 3 compartiments formés par 2 meneaux moulurés.
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Les fenêtres du sanctuaire ont été closes en 1878, avec des verrières artistiques léguées par M. Pierre Flamanville.
La partie basse de la fenêtre du fond, invisible de l'intérieur de l'église, a conservé sa vitrerie blanche...
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La partie remise à neuf est dû à M. Marquant, peintre-verrier à Reims. Le panneau central est réservé à un saint personnage, représenté debout ; les deux panneaux latéraux et le tympan sont des grisailles chargées de figures géométriques et de motifs floraux en couleur.
Les vitraux de droite sont consacrés, l'un à saint Pierre, l'autre à saint Remi ; ceux de gauche, à Jésus et à saint Jean-Baptiste.
Pour expliquer ce choix, il suffit de rappeler que Pierre était le prénom du donateur, Jean-Baptiste, celui de son père et que, dès 1856, M.Flamanville avait montré sa vénération pour saint Remi (Nota : Remi était un prénom usité dans la famille de sa mère), par l'achat d'une bannière, toujours existante, dédiée au glorieux évêque.
... ...Ces 4 verrières ont été fortement endommagées par le bombardement allemand d'octobre 1918. seront-elles réparées ou remplacées? Nous l'ignorons à l'heure où nous écrivons ces lignes. C'est pourquoi, il nous fallait prévenir que description et dessins s'appliquent à l'état antérieur à la guerre.
Saint Pierre est peint sur un fond de pourpre. Il est vêtu d'une tunique blanche et d'un manteau vert, à large bordure d'or parsemé de turquoise et d'émeraude (Nota : sur les 4 verrières, les manteaux ont une bordure d'or constellée de pierres précieuses : rubis, émeraudes, et turquoises.) ; il a le front découvert et les pieds nus ; de la main droite, il tient les clefs symboliques et de la main gauche, un livre à couverture bleue. Un nimbe d'or, qu'entoure un cerne azuré servant à l'inscription du nom, enveloppe sa tête.
Saint Pierre. L'inquiétude de l'auteur a reçu un écho favorable!
Sur fond bleu, saint Remi est vêtu également de blanc et de vert ; mais sur son manteau est jetée une chape violette d'évêque. Il est mitré en tête et la crosse à la main ; son regard se porte vers une colombe qui lui apporte la Sainte Ampoule.
saint Remi
Jésus est en tunique blanche et manteau bleu; de sa main gauche, il montre son cœur, que surmonte une flamme. Sa main droite corrobore ce geste d'amour. Sa tête, encadrée de cheveux roux, est ceinte d'un double nimbe, jaune et azur, qu'écartèle une croix, en partie masquée. (Le fond du panneau est pourpre)
Jésus
Saint Jean-Baptiste est en peau de bête et manteau rouge ; il tient de sa main gauche un Agnus Dei et, de sa main droite, une longue canne de roseau terminée, en sa partie haute, par une croix et une banderole. C'est à, peu près de cette façon que l'ont représenté les imagiers d'autrefois et qu'on le voit, notamment au portail de la cathédrale de Paris. (Le fond du panneau est bleu)
saint Jean-Baptiste
Transept
Le transept était éclairé, anciennement par 4 fenêtres de même type. Deux ont été murées ; celles qui restent sont orientées au nord et au midi.
Chaque fenêtre est partagée, en sa partie rectangulaire, en trois compartiments par 2 meneaux verticaux, qui reçoivent, à leur sommet, 3 petites arcatures ; au-dessus, le tympan, en demi-cercle, est occupé par 2 nervures circulaires, tangentes entre elles et tangentes aux arcatures, qui déterminent les écoinçons curvilignes.
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Dans les quatre petites roses du tympan, on a conservé des débris des vitraux anciens ; ils ont été remontés sur plomb, mais d'une façon maladroite et ils ne forment plus qu'un assemblage de couleurs en grande partie incohérent.
Un assemblage en grande partie incohérent
A la fenêtre nord, on distingue, d'un côté, une madone qu'entourent deux petits enfants et des anges ; de l'autre, un personnage, - apôtre, évêque ou seigneur - , en tunique violette et manteau vert, qui tient à la main un parchemin roulé.
A la fenêtre du midi, c'est le chaos. Pourtant, on voit, à gauche, un homme barbu, la tête coiffée d'un turban rouge et qui porte un pourpoint de brocart ; près de lui est ouvert un gros livre à tranche doré A droite, on arrive à lire, parmi un amoncellement d'objets informes, une date sur un cartouche et une inscription gothique placée à l'envers :
1542
abas chariss
Le chaos de la fenêtre du midi!
Le mot «chariss» est considéré comme le radical de l'adjectif latin charissensis et dériverait de Chaerium, Kaïris, formes anciennes du nom de Chéhéry. ce village ardennais eut jadis une abbaye de l'ordre de Cîteaux, fondée au XIIe siècle par les moines de La Chalade. On suppose, par suite, qu'il s'agit, dans l'inscription, d'un abbé de Chéhéry, donateur du vitrail, et sans doute, d'Adam Lambin, le dernier des abbés réguliers de la maison, où il mourut le 14 février 1545.
Les religieux de Chéhéry exploitaient, dès le milieu du XIVe siècle, la verrerie de Mayange, près du bois de Tronsol. Deux cents ans plus tard, les maîtres-verriers étaient nombreux à La Chalade et aux environs. Il est donc possible que les débris de verrière dont nous parlons, aient été fabriqués en forêt d'Argonne et qu'ils aient été mis en couleur par quelque peintre verrier de l'Ecole champenoise, cette école qui a laissé de si beaux spécimens de sa manière à Troyes, dans le département de l'Aube et, plus près de nous, à Reims et à Châlons-sur-Marne.
Mais une fois encore, tout cela n'est qu'hypothèse.
Les 2 verrières des fenêtres du transept, posées vers 1880, sont des grisailles ; un médaillon oblong avec figure occupe le milieu du panneau central. Sujet : sainte Reine, au croisillon nord et une Vierge éplorée, au croisillon sud, toutes les deux en buste seulement.
Sainte Reine est vue de face ; la tête est juvénile ; une couronne est posée sur ses cheveux blonds ; un manteau rouge, à lourde attache romane couvre ses épaules ; de la main gauche, elle tient la palme du martyre.
La Vierge en pleurs est une imitation d'une Mater Dolorosa de Lebrun ; elle est représentée de trois quarts, les mains jointes et crispées, en un mouvement de grande pitié ; sa face désolée est tournée, on le devine, vers Jésus en croix. Voile et manteau sont de la couleur bleue traditionnelle.
Dans des carrés, inscrits dans des rosaces, trois symboles ont été dessinés qui s'accompagnent de ces mots, tirés des litanies de la Vierge : Stella matutina. - Auxilium christianorum. - Speculum justiciæ (dessin : un vase, genre ostensoir)
Sainte Reine
La Vierge éplorée entourée des symboles des litanies
Bas-côtés
Les fenêtres ogivales des bas-côtés n'ont pas de meneaux en pierre ; elles forment un large panneau divisé en 3 parties par des fers à T posés verticalement.
Du côté nord est peinte l'image de saint Isidore ; du côté sud, l'Assomption de la Vierge.
Saint Isidore, patron des laboureurs, est représenté un genou à terre, près d'un tas de gerbes dorées et d'une faux ; les mains jointes, il prie, le regard au ciel, où, sur un nuage, apparaît le Père Eternel, penché vers son élu. Au second plan, deux anges aux grandes ailes, conduisent des chevaux qui tirent une charrue. A l'horizon, derrière des verdures, un village se révèle par la flèche pointue de son église.
Cette scène n'est pas une création du verrier ; c'est une adaptation d'un sujet biblique, Caïn et Abel, traité, vers 1852, par le peintre allemand Schnorr.
Nous joignons à notre notice, à la fois, un croquis du vitrail et une gravure, d'après la composition originale (Remplacée ici par une copie prise sur le web). le rapprochement des 2 dessins expliquera la présence d'une houlette entre les bras de saint Isidore ; cette houlette dérive du bâton du pasteur Abel.
le vitrail aujourd'hui : différent du croquis reproduit ci-dessous par J. Lefranc en 1909
Caïn et Abel du peintre allemand Julius Veit Hans Schnorr von Carolsfeld - photo : web
Nota : Schnorr de Karolsfeld (1794, † 1872) a composé de 1852 à 1860, la Bible en images. Sur le tableau, dont nous donnons un fragment, on voit Caïn, à genoux, à la droite de son frère, au pied d'un bûcher où il sacrifie des fruits ; les flammes, au lieu de monter vers le ciel, s'inclinent vers la terre. Caïn, l'œil mauvais, tourne la tête vers Abel qui prie.
L'Assomption du bas-côté sud est imitée du célèbre tableau de Murillo, conservé à Paris, au musée du Louvre. Mais alors que le peintre espagnol a représenté la Vierge en tunique blanche, un manteau bleu jeté sur son bras gauche et tombant à ses pieds, le verrier rémois a enveloppé Marie presqu'entièrement dans son manteau bleu et ne laisse apparaitre que le haut de la tunique blanche. D'autres différences existent entre les œuvres. Le vitrail s'est écarté du modèle en mettant un double nimbe autour de la tête de la Mère de Jésus, et quand il orne son manteau d'une large bordure d'or. Le verrier a pris quelque liberté encore dans le nombre, le groupement et l'attitude des angelots qui font un cortège à l'Immaculée.
L'Assomption
Le tableau de Murillo aujourd'hui reparti dans sa patrie d'origine
voyez: Brieulles-sur-Bar (Ardennes) dans les pas de Murillo
Photo : web
Portail
Une autre Assomption, d'après Murillo, mais sans les anges, existait dans la baie circulaire placée au-dessus du portail. Le bombardement d'octobre 1918 a détruit totalement cette verrière, dont nous donnons ci-après un croquis. On y voyait la Vierge debout, portée par des nuages roses et s'élevant dans un ciel d'un jaune tendre, riche de lumière.
Dessin du vitrail détruit en 1918
Le vitrail aujourd'hui qui s'y substitue
Les autels
Les autels sont au nombre de quatre : le maître-autel ou autel de l'Assomption, l'autel Sainte Reine, l'autel de Sainte Valburge et l'autel Saint-Joseph.
Le maître-autel
Le maître-autel, d'aspect monumental, occupe tout le fond du sanctuaire.
Considéré de bas en haut, il s'analyse comme suit :
1°) trois degrés en pierre et une petite plateforme avec saillant où se meut l'officiant ;
2°) l'autel proprement dit, massif et parallélépipédique ;
3°) latéralement :
a) quatre colonnes galbées, en marbre noir (2 de chaque côté) posées sur des stylobates suivant les sommets d'un tétraèdre isocèle ayant sa petite base en avant ;
b) extérieurement, deux grands enroulements en S, faits avec des feuilles d'acanthe ;
4°) un haut entablement, incurvé vers la voûte, orné de denticules et de modillons, et reposant sur les chapiteaux corinthiens des quatre colonnes ;
5°) sur l'entablement :
a) vers le centre, un motif décoratif constitué par 2 ailerons opposés qui sert de support à la croix en fonte terminale,
b) sur les côtés, 2 grands vases fleuris placés au-dessus des colonnes du 1er plan, puis 2 anges adorateurs en bois posés au-dessus des colonnes du second plan.
La hauteur de l'autel atteint près de 8 mètres.
Tout le centre du haut retable formé par les dispositions qui viennent d'être indiquées est occupé par une toile peinte représentant l'Assomption de la Vierge. Ce tableau est entouré par un cadre de marbre rouge ; des ornements en relief, blancs sur fond noir, en suivent le contour : série de rinceaux à la partie supérieure, guirlandes de fleurs sur les côtés.
Un petit tabernacle, encadré par 4 colonnettes de marbre blanc et des ailerons, marque, en retrait, le milieu de l'autel.
Décoration du sanctuaire.
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C'est une décoration classique d'inspiration baroque avec notamment des ailerons latéraux ornés de feuilles d'acanthe et de fleurs;
... dominant le tout, un vase cratère, primitivement fleuri d'un bouquet et de deux guirlandes pendantes ; le bouquet, masquant le vitrail placé derrière, a été enlevé en 1878 ; les deux guirlandes qui restent forment une décoration un peu étrange.
M Jean Hubert a signalé au-dessus de la porte de la sacristie, sur le motif que nous venons de décrire en dernier lieu, une ancienne clef de voûte comportant une tête d'homme vue de profil. Il a écrit à ce sujet : « La figure, qui rappellerait assez les sculptures carlovingiennes, ne remonte cependant pas à cette époque reculée. Elle aura probablement été copiée par l'artiste sur une des anciennes sculptures de la chapelle de Charles-le-Simple.»
La figure en question se trouve au centre d'un cartouche, dans un médaillon qu'enveloppent les perles d'un collier. Le croquis que nous en donnons (non reproduit ici) suffira, croyons-nous, pour établir que, contrairement à l'opinion de M. Hubert, l'homme représenté n'est point de l'époque carolingienne. Le profil rappelle celui du bon roi Louis XII ; le personnage est contemporain, sans nul doute, d'Amaury de Montal, qu'on voit sur la carte ci-dessus : même face imberbe, même chevelure taillée à hauteur du cou, même coiffure, mêmes plis au bliaut : la clef de voûte est du temps des voûtes, c'est-à-dire de la fin du XVe siècle ou du commencement du XVIe siècle.
Amaury de Montal (original copié pour réaliser la carte postale noir et blanc reproduite dans l'ouvrage de Jules Lefranc) Photo issue du web
Le médaillon avec le profil du "bon roi Louis XII"
L'âge de l'autel
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... les caractères de l'œuvre, à défaut de documents écrits, rappellent la manière du "Grand siècle", - le siècle de Louis XIV -. Symétrie des détails, colonnes corinthiennes, ailerons à feuilles d'acanthe large et grasse, denticules, consoles multiples, vases, fleurs et palmes révèlent l'influence de Lebrun. Mais on conçoit que le style majestueux créé pour les palais royaux ait mis un certain temps à se vulgariser et nous estimons que le maître-autel de l'église de Sainte-Vaubourg, ainsi que le décor en placage qui l'avoisine, datent de la première moitié du XVIIIe siècle : c'est en ce temps là que l'église d'Attigny s'enrichit de lambris en marbre ; c'est vers 1759 que fut sculpté dans la pierre, au presbytère reconstruit, le tympan de cheminée figuré ci-contre, qu'orne une guirlande de fleurs analogue à celles qu'on voit dans le sanctuaire ; c'est au XVIIIe siècle, enfin, qu'apparurent les tabernacles et celui de l'autel de l'Assomption ne semble pas avoir été fait après coup.
La toile peinte du retable nous porte, elle-même, à croire que l'autel fut construit vers 1750.
L'Assomption du maître-autel.
Le tableau du maître-autel a la forme d'un rectangle que surmonte un demi-cercle. Ses dimensions sont : largeur, 1m,45 ; hauteur, 1m,91 sur les côtés et 2m,35, sur l'axe vertical.
On y voit, à la partie supérieure, la Vierge assise sur des nuages, entourée d'angelots et s'élevant vers le ciel qui s'entrouvre et la baigne de lumière. Au-dessous sont groupés les apôtres, étonnés et ravis, plusieurs ont levé les bras vers la Divine Mère ; un autre a les mains jointes ; saint Pierre à gauche tient une plume et le livre où il va consigner le glorieux récit ; près du tombeau vide, dont on n'aperçoit que quelques pierres, saint Jean, imberbe, écarte le linceul où s'épanouissent des roses. La toile est d'une grande richesse de couleurs ; la Vierge est toute de bleue vêtue ; au premier plan, un apôtre porte un manteau de pourpre sur une tunique beige ; un autre est habillé de jaune, saint Jean de rouge et de bleu, saint Pierre est en vert. Mais la beauté de l'œuvre ne vient point de son coloris ; elle réside dans l'expression d'admiration si diverse qui se lit sur le visage de tous les disciples, dans l'attitude humble et pleine de grâce de la Vierge Marie.
Au bas, dans l'angle droit de la toile, on lit ces mots tracés en rouge : Reproduit par Darjou, 1877
Le peintre Darjou Victor naquit à Paris le 4 novembre 1804. Il s'était formé sous la direction de Léon Cogniet et avait débuté au Salon de 1837 ; il y figura jusqu'en 1868, presque toujours par des portraits. On cite parmi ses tableaux : Esther et Mardochée, la Prière du Christ, les Funérailles du Maréchal Drouet d'Erlon. Cette toile, de 2m,90 de hauteur et 3m,35 de largeur, appartient au musée de Reims.
La scène se passe le 3 avril 1844, sur le parvis de la cathédrale au moment où Mgr Gousset, entouré de son clergé, reçoit le corps du défunt ; derrière le cercueil, se pressent les fils du maréchal, les notabilités de la Ville et de nombreux soldats. Les personnages représentés ont 0m,67 de hauteur et ce sont des portraits fidèles qu'a exécutés le peintre. Les études qu'ils nécessitèrent mirent Victor Darjou en relation avec les principaux fonctionnaires locaux et c'est probablement à cette époque qu'il fit la connaissance de Pierre Flamanville de Sainte-Vaubourg, Pierre Flamanville, qui fut à Reims, successivement, professeur, censeur des études au lycée et inspecteur d'académie.
Par la suite, Victor Darjou exécuta un assez grand nombre de portraits rémois, dont plusieurs ont été légués au musée.
En 1865, Pierre Flamanville lui demanda le sien et se fit peindre debout, grandeur nature et de 3/4 hauteur, revêtu de la robe universitaire. Nota : en 1880, cette toile se trouvait chez M. Adolphe Flamanville, maire de Sainte-Vaubourg. Elle avait figuré au Salon de 1865.
En 1866, l'artiste reçut du même la commande d'un tableau pour l'autel de sainte Reine ; dix ans après, il exécuta, à Paris, la toile décorant l'autel de sainte Valburge.
Il était donc, en quelque sorte, le peintre attitré de Sainte-Vaubourg et c'est encore à lui qu'on s'adressa pour reproduire l'Assomption du maître-autel.
Darjou vint au village pour faire sa copie. Il s'installa à la mairie et logeait dans l'ancienne maison de Mgr Bara, devenue l'auberge du Cheval Blanc
A droite sur la photo au 1er plan : l'auberge du Cheval Blanc (site Delcampe : Belle -epoque - cpa)
Le même endroit vu aujourd'hui (photo Google earth)
L'ancienne toile
En 1877, l'œuvre originale avait été remisée derrière le maître-autel ; on l'y a retrouvée en 1912, au moment de la réparation des voûtes de l'église.
Le tableau originel comportait en son centre les armoiries du prieuré de Sainte-Vaubourg : «D'argent à un cœur enflammé de gueules, accompagné en pointe de trois pigeons posés deux et un les deux premiers d'azur, passant sur une terrasse de sinople chargée du troisième d'argent, tous trois becqués et membrés de gueules, et un chef d'azur chargé d'un lion passant d'or».
En 1912, la lecture du blason était incertaine car le tableau avait été restauré maladroitement en 1868. Un artiste, M. Faille de Rethel, avait été chargé de l'opération financée par M. Flamanville. L'œuvre était en si mauvais état que le peintre ne sut interpréter la signification des armoiries et il en modifia les éléments.
Jules Lefranc démontre que le tableau d'origine a pu être peint par le célèbre Charles Le Brun et apporté en l'église de Sainte-Vaubourg par le prieur en titre à cette époque. En effet, en 1734, Henry Favier du Boulay, prieur de Sainte-Vaubourg, habite à Paris à la Cour Sainte-Geneviève, près de l'église Saint-Jacques-du-Haut-Pas, là où deux couvents actifs (de carmélites et des capucins) possèdent une Assomption de Le Brun. Le prieur n'aurait il pas acheté dans l'un des couvents de son quartier la toile qu'il voulait offrir à l'église de sa seigneurie?
La toile a malheureusement disparu pendant le bombardement allemand des 11 et 12 octobre 1918 : une voûte s'est effondrée dans le bas-côté nord et des matériaux, en tombant, ont écrasé le tableau.
La grille du sanctuaire
Une grille en fonte, haute de 0m,80 environ, ferme le sanctuaire. Elle est d'un joli modèle. Deux portillons, larges de 0m,65, en occupent le centre. Ils sont décorés, l'un, avec un calice et l'autre avec un ciboire, reposant sur un socle porté par une tête d'ange et qu'environnent des brins de vigne et des épis de blé. Le reste de la grille est formé par des panneaux ajourés qu'embellissent également des ceps chargés de raisins et des épis
La belle grille du sanctuaire
L'autel de Sainte-Reine
L'autel de Sainte-Reine ressemble, en ses grandes lignes, à l'autel-majeur ; mais il est d'un modèle simplifié et moins riche. Les colonnes, en imitation marbre, ne sont qu'au nombre de deux ; le couronnement de la corniche supérieure est surmonté d'une croix massive en pierre ; deux vases décoratifs sont posés sur l'entablement au-dessus des colonnes. On accède à l'autel par des degrés et une estrade en menuiserie.
Le tableau peint, formant la partie centrale du tympan, est signé Darjou, 1866. Personne n'a pu nous renseigner sur la toile qui existait avant cette époque.
Sainte Reine est représentée en extase, dans sa prison, au moment où une colombe blanche lui apparaît parmi les rayons d'une croix lumineuse. Ses cheveux blonds sont dénoués et tombent en nattes sur ses épaules ; ses bras sont étendus en un geste de félicité ; elle est vêtue d'une robe ocre pâle et un manteau bleu a glissé sur son bras gauche. A travers les barreaux d'une lucarne, on aperçoit le croissant de la lune ; sur un bloc de pierre, formant table, brûle une lampe romaine, posée près d'un livre ouvert.
Nota : Dans son étude, Jules Lefranc consacre plusieurs paragraphes à l'hagiographie de sainte Reine. Il y relate l'histoire de son culte en général, puis l'évoque au niveau du diocèse de Reims ainsi qu'au plan local notamment lors du pèlerinage dédié à saint Méen. Le culte à sainte Reine sera évoqué ultérieurement dans les pages de ce blog.
L'autel de Sainte Valburge
Cet autel est du modèle de l'autel de sainte Reine : il n'y a donc pas lieu d'en faire la description. Il n'en différait que par la toile peinte occupant la partie centrale du retable ; comme indiqué dans la partie historique, cette toile a été mutilée pendant l'occupation allemande et retirée de l'autel. Elle était signée Darjou, 1876.
Sainte Valburge était représentée, sous la robe bénédictine, assise dans une chaire, en une attitude extatique. Devant elle étaient placés un crucifix, sur une table, puis un tabouret où étaient posés un livre et une crosse d'abbesse. A l'arrière plan, on voyait un vitrail avec l'image d'un saint et cette inscription, en petits caractères :
St PIERRE
Don de P. Flamanville
La toile dont s'était inspiré le peintre Darjou, en 1876, avait été retrouvée dans le grenier du presbytère, sans châssis, par M. l'abbé Guiraud. Sainte Valburge y portait une cordelière et une robe inhabilement drapée ; le vitrail du fond était formé avec des losanges de verre blanc ; ceux de la bordure seuls étaient colorés. Cette toile a été emportée par les Allemands.
Le reliquaire
...
En 1841, M. l'abbé Joseph, curé de Sainte-Vaubourg, eut la joie d'obtenir de l'évêque de Bruges une nouvelle relique de sainte Valburge, qu'il plaça dans son église paroissiale.
L'abbé Frézet en a publié l'authentique (texte en latin décrivant les reliques) et ajoutait : «la châsse qui contient le médaillon ci-dessus décrit est un coffret de bois de forme oblongue, ouvert sur ses faces et de style pseudo-gothique. Ce coffret est placé sur l'autel dit de Ste Valburge qui occupe le fond de la nef latérale de droite et qui fut érigé lors de la destruction de la chapelle de Sainte-Vaubourg, dans les premières années de ce siècle».
Nous avons crayonné, en 1909, le croquis de cette châsse qu'on trouvera ci-après.
Le coffret est une caisse prismatique en bois, surmontée d'une pyramide quadrangulaire, dont le sommet sert d'appui à une sphère portant une croix. La caisse est de couleur blanche avec décoration dorée : tête d'anges ailées aux 4 angles, filets longitudinaux, arcatures à redents etc...
Trois ouvertures, fermées par des verres, sont pratiquées dans la face antérieure : l'une ovale, au centre ; les deux autres, trilobées. Elles laissent voir, sur un coussin de soie rouge, l'anneau doré qui encercle la relique.
Le coffret lui-même est enfermé dans une seconde caisse vitrée, de forme à peu près semblable à la sienne.
Le croquis crayonné par Jules Lefranc
Si le coffret extérieur semble correspondre au descriptif de 1909, on voit que la châsse intérieure n'est plus la même aujourd'hui.
L'autel de Saint-Joseph
La dévotion à saint Joseph paraît dater du commencement du XVIIe siècle.
... ...
L'autel de Saint-Joseph, à Sainte-Vaubourg, ne paraît pas avoir une origine si reculée.
C'est un bâti en bois, peint en blanc et en violet, pour simuler le marbre ; il repose sur une estrade étroite en menuiserie sans degrés ; il n'y a point de retable.
Au centre se trouve une pierre d'autel, en face de laquelle s'élève un petit tabernacle, en forme de musoir.
Le tout date probablement de la première moitié du XIXe siècle.
Aux murs sont accrochées deux lithographies encadrées représentant Jésus et la Vierge Marie. A droite et à gauche, sur des consoles rudimentaires, sont placées deux statues : celle de sainte Reine filant une quenouille et celle de saint Jean-Baptiste, qui montre, à ses côtés, l'agneau divin.
L'autel est séparé de la nef par une balustrade légère faite en planches découpées.
Fonts baptismaux
C'est derrière cette balustrade que se trouve les fonts baptismaux.
Ils sont en pierre jaunâtre de la région.
Hauts de 1m,05, ils comprennent à leur partie supérieure un cylindre creux large de 0m,40, profond de 0m,25, reposant sur un socle grossièrement mouluré.
L'ensemble rappelle la forme générale d'un calice géant et massif.
Les fonts baptismaux
Les piscines
Dans son rapport du 28 mai 1840, M. Jean Hubert écrivait :
«Il existe auprès du chœur une ... piscine qui m'avait été signalée comme très ancienne et comme renfermant une tête de Charlemagne ou de Charles-le-Chauve. J'ai reconnu que cette piscine était sans valeur aucune et que la prétendue tête de Charlemagne n'était autre que celle d'un Espagnol qui probablement l'aura sculptée pendant que le pays était occupé par les troupes du roi d'Espagne.»
De quelle piscine s'agit-il dans ce texte? Nous ne le savons point exactement. On remarque dans le sanctuaire, du côté de l'Epître, une dalle de marbre encastrée dans la muraille et maintenue par de gros pitons en fer forgé. Masque-t-elle une piscine, celle précisément que visait M. Jean Hubert? Nous le supposons, mais notre hypothèse aurait besoin d'être vérifiée. Aujourd'hui la piscine du maître-autel ne consiste qu'en une simple pierre sans moulures, percée d'un trou.
Celle de l'autel de Sainte-Reine se trouve accolée à l'un des piliers de la nef, au pied de l'escalier de la chaire à prêcher. C'est une pierre moulurée, haute de 0m,50 environ et que l'on pourrait prendre pour un siège.
La piscine de l'autel de Sainte-Valburge est monumentale. elle se présente sous l'aspect d'une baie rectangulaire de 1m,15 de haut et 0m,80 de large, encadrée par des colonnettes et un fronton triangulaire.
Les encadrements de ce genre étaient communs au XVIe siècle.
Les colonnettes, au nombre de quatre, sont montées sur des stylobates (hauteur : 0m,30), décorés chacun de quatre feuilles de chêne, disposées en sautoir dans un caisson. Les chapiteaux sont composés avec de petites moulures dessinant en relief sur le tailloir, un S et un contre.S.
Deux de ces colonnettes, en saillie sur le nu du mur, sont terminées à leur sommet, par un vase cylindrique. Les deux autres, placées en retrait, reçoivent un linteau incurvé à ses extrémités et chargé de onze petits caissons ornés d'une étoile de feuilles pointues, à quatre branches.
Le linteau et deux pilastres soutiennent une corniche ; au-dessus se trouvent une frise sculptée, figurant une accolade sur champ creux, puis le fronton avec des acrotères et 3 vases.
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Piscine de l'autel Sainte-Valburge
La plus jolie piscine de l'église se trouve dans le bas-côté sud et doit marquer l'emplacement d'un autel supprimé. Elle est de pur style gothique.
Sa hauteur totale est de 1m,80 environ et sa largeur de 0m,70. Elle comprend trois parties :
1°) l'exutoire sur plan polygonal ;
2°) une baie creusée dans le mur et encadrée latéralement par des piédroits moulurés ; la paroi du fond est ornée d'une draperie plissée, sculptée dans la pierre, analogue à celle qu'on voit sur l'huisserie du portail ;
3°) à la partie supérieure, une sorte d'auvent, disposé à la façon d'un pan coupé, chacune des trois faces qui la composent porte un fleuron qui repose sur une arcade circulaire à redents, aujourd'hui très endommagée. Le fleuron est en relief sur un champ tourmenté, où s'entremêlent filets pleins sinueux et trilobes creux. Une pierre verticale étroite et saillante forme la séparation des faces de l'auvent ; un motif décoratif s'y adosse : tige légère qui s'épanouit pour former comme un petit pinacle à crochets. Tout en haut de la piscine court, sur toute la largeur, une balustrade basse qui dessine des mouchettes inclinées et marque nettement la 3ème période gothique.
L'œuvre tout entière doit dater de la transformation de l'église, c'est à dire de la fin du XVe siècle ou du commencement du XVIe siècle.
Il existait dans l'église de Montmarin, une piscine de la même époque
Piscine gothique dans le bas-côté sud
Statues, sculptures décorations
Les statues ou statuettes de l'église de Sainte-Vaubourg, autres que celles de l'autel de Saint-Joseph, dont nous avons parlé, sont toutes modernes.
Les plus anciennes sont celles de sainte Philomène, placée dans le sanctuaire, et celle de saint Roch, qui se trouve à droite de l'autel de Sainte-Reine. Cette dernière date de 1849 et rappelle la terrible épidémie de choléra qui désola l'arrondissement de Vouziers pendant les mois de juillet à novembre. Sainte-Vaubourg fut épargné et la statue est une marque de reconnaissance des paroissiens envers leur saint protecteur.
Nous avons mentionné, plus haut, le groupe en stuc représentant l'apparition de N.D. de la Salette, qui fut mise en place en 1875 ; plus récemment, des statues de saint Antoine de Padoue, de sainte Reine, de saint Méen, de saint Eloi, etc... furent introduites dans l'église. Elles sont en plâtre polychrome et nous ne les citons que pour mémoire.
Mais il existe dans les chapelles latérales, deux petits bas-reliefs que les Allemands ont respectés et qui méritent attention. Ils sont en pierre et mesurent 0m,58 de haut sur 0m,39 de large ; un arrêté ministériel du 25 juillet 1908 les a classés et les indique comme datant du XVIe siècle, ce qui est vraisemblable.
L'un de ces bas-reliefs représente l'Annonciation. La Vierge assise devant une petite table, sur laquelle un livre est ouvert, s'incline émue devant l'ange Gabriel ; celui-ci tient une sorte de sceptre ; sa main droite est levée, ponctuant les paroles de la révélation. Dans l'angle gauche supérieur, le Saint Esprit, sous la forme d'une colombe aux ailes éployées, projette vers l'Élue du Seigneur un long faisceau de rayons. L'arrière-plan est occupé, pour moitié, par un lit à baldaquin et à rideaux.
L'autre bas-relief est consacré à l'Adoration des Mages.
La Vierge Marie, - qui porte des manches à taillades, - est assise, soutenant d'une main l'Enfant Jésus, debout en son giron. Devant le groupe est agenouillé un roi-mage, en une attitude d'adoration. Les deux autres rois sont derrière lui et vont offrir des vases à parfum. Près d'eux se tient saint Joseph, debout, tête nue, drapé en son manteau, la main gauche au front ; il regarde et médite. Au ciel brille l'Étoile. Des maisons à pignons triangulaires forment le fond de la scène.
Longtemps ces sculptures ont été recouvertes d'un épais badigeon à la chaux ; elles en ont été débarrassées en 1913 et, à ce moment,
L'Adoration des Mages
on a pu voir que primitivement, elles étaient teintées ; les couleurs dominantes étaient le bleu Fra Angelico et le rouge brun. On peut encore s'en rendre compte en regardant les œuvres de près.
D'où viennent ces bas-reliefs? Nul ne le sait. A notre avis, ils constituent les restes d'un ancien retable démoli.
D'autres débris de sculptures, ceux-là, brisés, se voient, derrière le maître-autel, dans la maçonnerie de blocage de l'œuvre, et il y a lieu de croire, qu'avant le XVIIIe siècle, le tout se trouvait réuni dans le sanctuaire.
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Jules Lefranc signale encore plusieurs traces de motifs peints sur les murs puis passe en revue le mobilier : les bancs (le bas-côté nord est appelé le "Marché au fil"), les sièges des chantres (appelés les escabelles), un lutrin en fer forgé, la chaire à prêcher, le chandelier, le chemin de croix sur toile peinte datant de 1878 (disparu), l'antique porte-cierge en fer forgé, qui subsiste dans l'escalier menant au clocher. Pauvre vieille ferraille, que d'aucuns regardent en souriant! Humbles et arriérés étaient les hommes qui, sur ce support, brûlèrent des cires. Depuis eux, la civilisation a rayonné sur le monde, l'humanité est en progrès : l'église de Sainte-Vaubourg est encore toute frémissante du bruit des obus explosés sous ses voûtes...
Sainte-Vaubourg, mai 1919.
A quelques rares exceptions près, l'église, «renommée pour l'élégance et l'harmonie de ses proportions» (selon le docteur Henri Vincent), ce «bijou» (disait l'abbé Fossier), est désormais fermée au public. Les offices, comme ailleurs, n'y sont plus guère célébrés. L'édifice est-il voué à l'abandon?
Le patrimoine rural, fut-il religieux, sensibilise nombre d'édiles qui œuvrent à sa préservation. Madame Carpentier, maire de Sainte-Vaubourg, a été de ceux-là. Sous son mandat, la commune a participé financièrement à plusieurs tranches de travaux destinés à la restauration de l'église. Ce fut le cas notamment en 2010, avec le concours de l'entreprise C. Pierrard de La Sabotterie, ou encore en 2013 avec celui de J.P. Hurt de Mesnil-Annelles.
Les travaux ont permis, par exemple, la remise à neuf de l'estrade de l'autel Sainte-Reine et la restauration de la porte nord traitée avec beaucoup de soins. Elle conserve les ferrures posées en 1861 par l'ouvrier serrurier Raubach, l'habitant du "Bardo".
L'acte le plus remarqué a été celui de la restitution d'une statue de la Vierge allaitante qui était conservée depuis des décennies dans les réserves départementales.
La représentation du thème au travers la statuaire ardennaise constitue une rareté. Il s'agit sans doute de l'unique exemple de la Vierge dénudant son sein pour l'offrir à l'Enfant Jésus, qu'elle porte sur son bras, et l'offrir, par là-même, aux regards des visiteurs.
La statue, classée M.H. depuis le 20/01/1956, est en pierre et date du début du XVIe siècle.
Selon l'abbé Jean Sery, dans son ouvrage sur la statuaire mariale des Ardennes, l'œuvre a été restaurée en 1955 et était «à l'origine sur la façade actuelle de la chapelle de Sainte-Vaubourg» (texte de 1977)
A noter que Jules Lefranc n'en parle pas dans sa monographie.
L'œuvre a été révélée au public lors de l'exposition organisée en 1952 pour les fêtes de Noël. Le thème portait sur : "La Vierge à l'Enfant dans la sculpture du XIIe au XVIe siècle".
L'événement a été relaté dans un numéro de la revue "Présence Ardennaise" de l'époque (N° 13 - 1952- page 13). L'auteur de l'article, René Robinet, décrit la statue inscrite au n°8 du catalogue : «Vierge à l'Enfant offrant son sein (fragment), pierre, XVIe siècle. Eglise de Sainte-Vaubourg.» Une photographie noir et blanc est annexée au catalogue.
Le cliché (planche IV) annexé au catalogue
Le thème de la Vierge nourricière est ancien puisque, déjà au VIe siècle, les monastères égyptiens l'adoptent dans leur décor.
L'art carolingien s'en empare à son tour ; il est toujours d'actualité aux XIIe et XIIIe siècles, avec toutefois moins de représentations.
A partir du XIVe siècle, les images de la Vierge allaitant se multiplient. Marie nourrissant l'Enfant Jésus s'affiche au décor de bas-reliefs, comme celui conservé au musée d'Arras, la Vierge illustre les livres d'Heures ou devient le modèle des peintres de l'école flamande.
Les sculpteurs accaparent le sujet et le traitent sous des postures diverses jusqu'au XVIe siècle.
Parmi les très nombreuses représentations celle de la Vierge de Saint Gengoulf de Metz est souvent citée dans les ouvrages en raison de son parcours mouvementé. On pourra le retrouver dans un article mis en ligne, sous la signature de Christian Jouffroy. L'auteur propose une étude pénétrante sous le titre : «La maternité dans l'iconographie mariale. Les Vierges enceintes ou allaitantes dans l'art chrétien». Académie Nationale de Metz - 2007. Le lecteur y trouve une bibliographie complète sur le sujet.
La Vierge allaitante au mur intérieur du bas-côté nord de l'église de Sainte-Vaubourg
Pour une visite de l'église : s'adresser à la mairie.
Je remercie vivement Madame Carpentier pour le temps qu'elle a bien voulu m'accorder.
JLC
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