SAINTE-VAUBOURG église Notre-Dame (1ère partie)
Laissée au bord du chemin ... des Romains
La voie romaine Reims-Trèves dévale la côte de Vaux-Champagne, et de là, s'élance en pleine ligne droite à l'assaut de la butte de Voncq. Entre ces deux villages haut perchés, sentinelles veillant sur la vallée, la rivière Aisne s'agite au creux de son lit tordu par les méandres d'un cours tumultueux. Le tracé de l'antique voie, tiré au cordeau, butte sur cet obstacle majeur au lieudit le "Vieux-Pont"; là où une passerelle, aujourd'hui disparue, avait été aménagée dans les temps anciens pour pallier le périlleux passage à gué.
Depuis 1836, la chaussée percute de front un nouvel écueil : le canal de Vouziers, un bras du canal des Ardennes.
C'est entre les deux villages phares de la vallée, que le "chemin des Romains", usé par vingt siècles de piétinements incessants, effleure à son flanc nord la belle église de Sainte-Vaubourg, campée sur son tertre " tel un mont Saint-Michel en miniature isolé au milieu d'un océan de verdure" (1)
"Tel un mont Saint-Michel en miniature, isolé au milieu d'un océan de verdure" Photo copie Google Earth
Au XIXe siècle déjà, les avis sont unanimes pour traduire l'admiration que suscite la visite du sanctuaire ardennais. L'incontournable historien Albert Meyrac, d'ordinaire plutôt avare de commentaires élogieux, s'enthousiasme à la vue du " coquet édifice de la fin du quinzième siècle, renommé pour l'élégance et la beauté de ses proportions" (2).
Les louanges ne cessent de jaillir sous la plume des auteurs qui vont suivre.
Ainsi, il y a plus de dix ans, la revue "Le Curieux Vouzinois" ouvre ses colonnes à l'historien Raymond Hardy. Celui-ci s'empresse de les remplir d'un commentaire complaisant dans lequel il souligne "la silhouette imposante de l'église Notre-Dame" où "on admirera... la magnifique perspective du voûtement flamboyant en étoile dont les voûtains de craie, entre les nervures ocre, sont du plus bel effet" (3).
Mais l'auteur qui a le plus longuement observé dans le détail chaque élément de l'édifice est incontestablement un enfant du village : l'historien et collectionneur Jules Lefranc.
Né le 1er novembre 1869 d'un père simple domestique (prénommé Xavier Nicolas) et d'une mère sans profession (Marie-Antoinette Proux, de 8 ans plus jeune que son époux), le Vaubourgien Jules, Michel Lefranc laisse après sa mort (survenue dans le 14ème arrondissement de Paris le 6 janvier 1953), une impressionnante collection de manuscrits, de portraits et de notes diverses sur la vie de ses contemporains et sur celle des personnages ardennais qui ont influencé le cours de l'histoire.
Les 273 dossiers rassemblant les écrits de l'historien occupent désormais 3,50 m de rayonnage dans les réserves des Archives Départementales des Ardennes. Ils sont répertoriés dans la série 9 J et recensés dans un inventaire de 148 pages (4).
Un lot porte le titre : «Choses et gens de chez nous. Notes sur le village de Sainte-Vaubourg.» Histoire, métiers, arts et traditions populaires, ms de 383 pages vers 1911 par Jules Lefranc.
Sous ce titre, Jules Lefranc rassemble d'abord des études qu'il a minutieusement menées. Il les a toutes calligraphiées, illustrées d'aquarelles, de dessins, de gravures et même de quelques photographies. Cinq gros portefeuilles de 200 à 300 pages chacun, portent les sous-titres suivants :
- Choses et gens de chez nous
- Sainte-Vaubourg au Moyen-Age
- Le prieuré et les prieurs
- La cense de Saint-Pierre-les-Dames et la ferme des Belloy - La cense de Saint-Remi
- L'église de Sainte-Vaubourg
C'est de ce dernier dont il sera question dans les lignes qui suivent.
De son vivant, Jules Lefranc fait don de son travail à l'Académie Nationale de Reims dont il est membre. Ses études y sont toujours, consultables avec l'aval du bibliothécaire.
Aux internautes, fidèles lecteurs de ce blog, de larges extraits de l'étude réalisée sur l'église sont proposés ici en partage.
Outre l'intérêt de découvrir un document rare, il est tentant d'y ajouter celui d'une confrontation entre deux observations, celle consignée il y a près d'un siècle par Jules Lefranc et celle réalisée aujourd'hui. Pour l'historien de Sainte-Vaubourg la description du bâtiment et du mobilier, commencée avant la Grande Guerre, sera interrompue pendant les sombres années, puis reprise et terminée en 1919.
Avant d'entrer dans la lecture de la description de l'église, un bref rappel historique suivi d'un avertissement sont de mise pour introduire le sujet.
Bref historique
En 916 le roi carolingien Charles III, surnommé le Simple, fonde une collégiale pour y déposer les reliques de sainte Walburge d'Eichstädt, la pieuse abbesse du monastère d'Heidenheim (dans l'actuel district de Moyenne-Franconie en Bavière).
Sur l'une de ses terres, le roi choisit un emplacement proche du grand axe de communication Reims -Trèves près de sa villa d'Attigny. Le lieu retenu s'appelle Dionne, il prendra plus tard le nom francisé de Sainte-Vaubourg.
Le domaine royal d'Attigny, ou fisc, incluant Dionne, est donné en 1093, en guise de dot, par le roi Philippe 1er, à sa fille Constance qui épouse le comte de Champagne, Hugues. Neuf ans après, à son tour, le comte Hugues cède la terre de Dionne à l'archevêque de Reims qui la confie au moine champenois Robert de Molesmes, le fondateur de l'ordre cistercien.
Un prieuré dépendant de l'abbaye bénédictine Notre-Dame de Molesmes est rapidement créé au pied de la collégiale primitive.
Comme le rappelle Florent Simonet dans une pénétrante étude (5), "le palais d'Attigny... ne se trouvait pas dans le bourg ... même, mais au sud-est ... sur le territoire de l'actuelle commune de Sainte-Vaubourg".
Le château moderne, aujourd'hui converti en ferme, donne un repère pour situer l'entrée méridionale de l'antique palais. Les bâtiments du prieuré ont été élevés à proximité, autour de la chapelle.
Les croquis de Jules Lefranc situent les emplacements respectifs.
Plan général
Le prieuré et ses dépendances immédiates (tous les dessins sont de Jules Lefranc)
Ce n'est pas par hasard que les premiers carolingiens choisissent ce lieu pour y bâtir leur résidence qu'ils transforment en palais. L'axe Reims-Trèves est à moins d'un kilomètre à leurs portes, il favorise leurs échanges commerciaux et surtout leurs fréquents déplacements.
Ce lieu a été prisé avant eux, semble-t-il. De nombreux vestiges préhistoriques sont périodiquement exhumés.
Dans les années 1970 par exemple, un propriétaire creuse un étang au lieudit " Le Pachis", à proximité de la source du ruisselet de "la Doreuse" afin de bénéficier de son eau réputée très pure. La pelleteuse évide la parcelle et rejette l'excédent de terre sur les bords. La terre remuée contient des débris de silex taillé que l'engin va recouvrir malheureusement trop vite.
Un morceau est sauvé du ré-enfouissement.
Une lame de couteau (?) en silex finement travaillé
S'agit-il d'une lame d'un outil, d'une arme? Comment est-elle parvenue là? Perdue lors d'une partie de chasse, ou d'un combat guerrier? Seule l'imagination est en mesure d'apporter une réponse. La finesse du travail du silex laisse penser que le propriétaire tenait un rang élevé dans la société pour détenir un objet d'une telle valeur artistique.
D'autres vestiges d'origine plus récente ont été mis à jour à l'est de l'église actuelle, au lieudit " Vichas" ou "Vichard", la zone où se situait le village primitif des débuts du prieuré.
Les rives de la voie romaine entre Vaux-Champagne et Sainte-Vaubourg ont livré, comme partout ailleurs, leur lot de ferrailles gauloises ou mérovingiennes. La grande majorité de ces armes est restée dans la clandestinité puisqu'à l'époque de leur découverte, les objets sont considérés comme des trouvailles sans intérêt, voire embarrassantes. Elles finissent leur vie dans les jardins en guise de gouges pour la récolte des asperges.
Avant d'accueillir la communauté bénédictine de Molesmes en 1102, la collégiale prévue pour abriter les reliques de l'abbesse de Heidenheim, est tenue par douze clercs ayant le statut de chanoines. Le roi les place sous la juridiction du chapitre de Saint-Corneille de Compiègne dès 918. Ainsi les chanoines "chantèrent pendant 186 ans (de 916 à 1102), les louanges de Dieu autour des restes de sa servante, jour et nuit". Sur la fin, leur vie fait grand scandale. Ils refusent toute réforme et beaucoup s'affichent avec une concubine.
En partie pour cette raison, le comte Hugues confie la chapelle de Sainte-Vaubourg avec ses dépendances, au monastère Sainte-Marie de Molesmes dont la réputation de piété est unanimement reconnue.
La chapelle subsiste jusqu'au XIXe siècle. Elle était située dans l'actuelle ferme en limite de la place du village.
Jules Lefranc explique : «La chapelle de Sainte-Vaubourg devint la boutique d'un charron ; elle fut démolie en 1816, et l'abbé Hulot rapporte, qu'un charpentier qui participait à la destruction du vieil édifice, tomba d'une poutre et en mourut. Les bâtiments voisins disparurent à leur tour dans la seconde moitié du XIXe siècle lors de la construction de la ferme actuelle ; le cimetière ancien, qui leur était contigu, fut fouillé pour un abaissement du profil du terrain ; des ossements dans le déblai enlevé furent emportés dans les terres environnantes...»
Le prieuré connait donc une longue histoire, mais la conter en est une autre!
Au bout de la rue : la maison d'habitation derrière laquelle se situait le prieuré (photo Google earth)
Avertissement
L'église est placée sous le vocable de Notre-Dame et pas sous celui de sainte Walburge comme le nom du village pourrait le laisser croire.
Sur plusieurs sites rencontrés via le web, les internautes découvrent que saint Juvin est le patron du lieu; mais foi de Vaubourgien (et non pas de Vaubourgeois comme l'indiquent aussi certains sites!) le bon saint Juvin d'Argonne n'est jamais venu faire paître ses cochons dans les bois de Sainte-Vaubourg!
Des sites officiels à l'image de Geoportail.gouv ou Wikipédia reproduisent l'erreur malgré les interventions réitérées de leurs administrateurs alertés.
Copie de la page du site :
http://www.geoportail.gouv.fr/accueil
La méprise incombe, en apparence, au service des Monuments Historiques qui répète l'erreur à plusieurs niveaux sur son site:
http://www.culture.gouv.fr/public/mistral/memoire_fr?ACTION=CHERCHER&FIELD_1=INSEE&VALUE_1=08398
Une origine possible de la confusion
D'autres recopient par la suite l'information sans la vérifier. Errare humanum est, perseverare diabolicum!..
Au début du XIIe siècle, chez les moines bénédictins, la règle est de choisir la Vierge Marie comme protectrice d'un nouvel édifice, d'autant que la grande figure Robert de Molesmes se préoccupe alors de fonder Cîteaux, l'ordre dévoué à Marie par nature.
Renvois de la 1ère partie :
(1) Robert Darcq - Le Curieux Vouzinois - Hors Série XII - janvier 2012 - page 11
(2) Albert Meyrac - Géographie illustrée des Ardennes - deuxième édition - 1965 - Librairie Guénégaud - page 657
(3) Raymond Hardy - Le Curieux Vouzinois - Hors Série VIII - décembre 2005 - pages 34 et 36.
(4) Hubert Collin - Guide des Archives des Ardennes - 1974 - pages 184 à 186.
(5) Florent Simonet - Le palais d'Attigny et ses environs - Le Curieux Vouzinois n° 94 et n° 95 (citation p.10)
Extraits du récit de Jules Lefranc
L'église de Sainte-Vaubourg est située sur un tertre à 400 mètres environ du village.
Une vieille légende fait remonter sa construction à l'époque carolingienne.
Dom Ganneron, religieux de la chartreuse du Mont-Dieu, écrivait en 1639 : Charlemagne voulant laisser en divers lieux des monuments de sa piété en fonda "quelques uns uns en notre Rethélois, où il bâtit trois églises. La première fut au village de Dionne (appelé Sainte-Waubourg, depuis Charles le Simple seulement) qu'il dédia à Notre-Dame ; et c'est la belle église qu'on voit dans les champs... Les deux autres... sont pareillement dédiées à Notre-Dame, à savoir celle de Montmarin, non beaucoup éloignée d'Attigny, et celle du village de Stonne, à une lieue du Mont-Dieu, laquelle est bâtie vraiment royalement..."
La tradition locale diffère sur ce point de la version de Dom Ganneron. On raconte, en pays d'Attigny, que Charlemagne fit construire dans la région trois églises jalonnant une ligne droite : l'église de Montmarin, l'église de Sainte-Vaubourg et une dernière, aujourd'hui détruite ; les mieux informés disent qu'il s'agit de celle de Thélines près de Vouziers.
En son isolement, l'église de Sainte-Vaubourg marque-t-elle le site d'une agglomération disparue? C'est l'opinion de M. J. Laurent qui place aux abords de l'édifice l'ancien village de Dionne....
Dans son "Essai sur les châteaux royaux, villas royales ou palais du fisc des rois mérovingiens et carolingiens", M.Martin ... place ainsi que J.Laurent, l'église de Dionne à l'endroit même où s'élève celle de Sainte-Vaubourg.
Du monument primitif, on ne sait absolument rien. Un pouillé du commencement du XIVe siècle indique qu'il était sous le vocable de la Vierge Marie. (Pouillé publié par P.Varin et Auguste Longnon Paris 1908)
...
Jusqu'à la fin du XIVe siècle, le village fut donc pourvu d'une église.
Cent ans après, dans le Rethélois, un grand nombre d'édifices servant au culte étaient tombés en décrépitude et, selon l'expression de l'abbé Tourneur, "il fallut les renouveler". Ce rajeunissement fut presque général dans les villages de la vallée de l'Aisne ardennaise qui, jusqu'en 1550, s'employèrent à reconstruire leur église paroissiale.
l'église Notre-Dame de Sainte-Vaubourg
On estime, à cause des caractères de l'œuvre, que l'église actuelle de Sainte-Vaubourg appartient à cette époque, qui correspond à la dernière période de l'art gothique.
Les pierres si singulièrement découpées qui forment l'encadrement des baies de l'abside paraissent indiquer des matériaux de remploi. On a retrouvé, en 1910, lors de réparations au soubassement du chevet, un soubassement antérieur avec moulures derrière les pierres actuellement apparentes. Voussoirs et débris travaillés sont probablement des vestiges de l'église primitive.
On croit que la construction qui la remplaça fut entreprise vers 1480. Une inscription relevée sur l'un des deux contreforts qui étayent le pan oriental de l'abside est invoquée à l'appui de cette opinion. Cette inscription comporte trois lignes, un millésime, un nom et un âge :
1482
Sebasten Le Grand
Age 2·1
L'inscription de 1482 aujourd'hui passablement érodée
La première ligne se trouve à 0 m,14 de la face extérieure du contrefort et à 0 m,75 au-dessus de la moulure du soubassement. Le Grand est en deux mots, le premier en caractères plus petits ; l'E de âgé n'est pas accentué ; enfin un point, large et profond, sépare les deux chiffres de 21.
Une inscription de ce genre, concernant un personnage inconnu, appelle la prudence dans la déduction des enseignements qu'on peut en tirer. Au cours des siècles, tant de pierres de nos églises ont été plusieurs fois déplacées! Les dates ou les mots qu'elles portent peuvent être contemporains d'un édifice antérieur. Mais l'inscription qui nous occupe ne nous parait pas devoir soulever cette objection. Elle est gravée, en effet, sur deux morceaux d'appareil contigu et en tête d'un chevet pentagonal à grandes fenêtres flamboyantes : la pluralité des pierres indique presque sûrement une mise en place antérieure de la maçonnerie et, d'autre part, les caractères de l'abside correspondent exactement à l'époque rappelée par le millésime. Enfin, le nom de Legrand se rencontrait dans la région à la fin du XVe siècle : Ponce Legrand, curé d'Attigny en 1628, était fils de Jean Legrand et de Rosette Morlet de Sainte-Vaubourg, et on peut admettre que cent ans avant, la famille était déjà fixée au village.
Il est donc possible que l'inscription Sebasten Legrand ait été tracée en l'année 1482 et qu'à ce moment l'église de Sainte-Vaubourg ait déjà reçu sa disposition actuelle.
Il existe sur la face latérale gauche du portail, à hauteur des arcatures, une autre inscription qui parait être aussi contemporaine de la réfection de l'édifice. Elle est malheureusement très fruste et nous n'avons pu la copier d'une façon satisfaisante : les érudits à qui nous avons communiqué notre relevé n'ont pas su la déchiffrer.
L'inscription comprend 3 lignes, dont la plus longue, - la dernière, - mesure 0 m, 25 environ ; les lettres ont approximativement 0 m,02 de haut. Une cavité, qui s'est formée dans la pierre a détruit une partie de la 1ère ligne. On devine les mots : Haec est domus dei ..... edificavit. An (no) M... La date n'est pas lisible. La seconde ligne, la mieux conservée, est la moins intelligible. Contient-elle le nom du maître de l'œuvre et celui-ci ne serait-il pas "Godon masson"? Un appareilleur ainsi nommé fit, en 1555, les voûtes de l'église de Thugny. Mais toutes ces interprétations sont bien douteuses.
L'inscription n' a pu être retrouvée aujourd'hui
Les travaux de réparation exécutés en 1909 ont révélé, dans la partie de l'édifice confinant au portail des dispositions anciennes que précise le croquis ci-dessous.
Jadis, le toit formait en ce point, non pas un comble unique comme aujourd'hui, mais trois : un au-dessus de la nef centrale et les deux autres, à un niveau plus bas, au-dessus des nefs latérales. des petites baies, arrondies en plein cintre à leur sommet, comme dans les églises romanes, laissaient pénétrer la lumière à l'intérieur de l'édifice.
Une baie semblable a été découverte en 1910, dans un pignon de la façade nord, près de la baie ogivale actuelle ; elle était tout simplement murée ; aucun arrachement n'avait été fait dans les pierres taillées formant son ébrasement.
En 1912, le mur de la façade occidentale accusait aussi, par une lézarde, deux époques de construction.
Vue extérieure
Trace des baies rebouchées vues de l'intérieur
Dans l'angle extérieur formé par le mur et les butons encadrant le portail, une longue et large crevasse s'était formée par suite du décollement de la partie de la maçonnerie correspondant aux bas-côtés : le rechargement du mur primitif, sans reprise des fondations, avait dû, à la longue, déterminer un tassement du sous-sol.
Enfin à l'intérieur de l'édifice, on pouvait remarquer, en 1909, dans le voisinage de la petite porte d'entrée, contre le pilier engagé de la nef principale, une colonnette qui, elle aussi, par défaut de "liaisonnement", s'était écartée de sa position normale pour s'infléchir vers le nord : elle indique sûrement, par rapport au pilier, une époque postérieure de construction. Elle est surmontée d'un abaque archaïque, décoré de croix et d'une rose et faisant songer à un débris de pierre de démolition.
La colonnette surmontée d'un abaque archaïque
Du côté de l'ouest, l'église de Sainte-Vaubourg n'accuse donc point l'unité de concept ; les faits cités trahissent un travail d'adaptation, une œuvre modifiée dont la partie la plus intéressante porte la marque de la période gothique.
... ...
Sous Louis XIII, l'aspect extérieur de l'église de Sainte-Vaubourg subit une nouvelle modification. Le pignon du croisillon nord du transept fut réparé et reconstruit en sa partie haute, dans le goût de l'époque. Un millésime, 1624, en agrafes de fer, indique la date d'exécution des travaux.
Le pignon nord et ses agrafes indiquant : 1624
Un peu plus tard, la nef à son tour, puis la toiture des chœur et cancel, exigèrent une remise en état.
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Un millésime, 1679, gravé sur un contrefort de la façade nord, en rappelle le souvenir.
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Le 18 octobre 1748, un marché fut passé entre les habitants et Pierre Fourcart, de Givry, pour des travaux de pavage à l'église et divers autres ouvrages.
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Ce fut vers cette époque que le sanctuaire dut recevoir sa disposition actuelle. Après la réalisation par Jules Hardouin et par Robert de Cotte du vœu de Louis XIII donnant un chœur en marbre, à Notre-Dame de Paris, (1699 - 1714), des paroisses, en province, révèrent d'embellir leur église à la façon de la cathédrale métropolitaine. En 1732, Attigny avait dépensé de 8 à 10 000 livres pour doter la sienne de lambris en marbre ; elle dépensa encore près de 1750 livres, en 1757, pour la démolition du jubé et son remplacement par une grille en fer forgé.
Sainte-Vaubourg fit comme sa voisine. L'intérieur de l'abside fut garni d'un placage ornemental, composé, au-dessus de la corniche, de médaillons à consoles, de vases fleuris, de sphères sur petits socles pyramidaux, et au-dessous, de pilastres incrustés de pierre noire, entre lesquels sont disposés des panneaux schisteux de différentes couleurs.
A notre connaissance, aucun document ne fixe l'époque de cette transformation. En 1912, on a retrouvé derrière un lambris qui sortait de son encastrement, une pièce de monnaie en bronze, à l'effigie de Louis XVI. Mais l'ensemble de l'ouvrage, à en juger par son aspect, doit dater du milieu du XVIIIe siècle. nous développerons plus loin cette opinion.
Un placage ornemental du milieu du XVIIIe siècle
Vint la Révolution.
... ...
L'église Notre-Dame de Sainte-Vaubourg allait être fermée au culte pendant plusieurs années.
A la vérité, les grands bouleversements ne commencèrent à se manifester qu'à partir de 1793.
Au 1er janvier 1792, les administrateurs de la fabrique ne prévoyaient point encore la cessation prochaine du service religieux dans la localité ; ils passèrent, à ce moment, un marché avec les nommés Rôle et Genève, marchands d'ornements d'église à Vitry-sur-Marne, pour la fourniture de 4 chapes en satin, dont une «dite noire», et d'une «chasuble en velours de soye.» A l'exception «d'une chappe de satin brochée soye», tous ces ornements furent livrés ; ils comportaient, pour la fabrique, une dépense de 696 livres, payables en 3 versements égaux, d'année en année, au jour de Pâques.
Le 1er août 1793, la Convention prit un décret aux termes duquel tous les "emblèmes de la féodalité et de la superstition pouvant exister sur les monuments et les immeubles privés, devaient impitoyablement être détruits, grattés, effacés". Cette mesure fut-elle appliquée à Sainte-Vaubourg? Au temps de notre jeunesse, il nous fut raconté que l'église avait été saccagée à l'époque révolutionnaire et on donnait comme preuve la présence de débris de colonnes dans les jardins du presbytère et de la maison Broyé. Il s'agissait des supports cylindriques de 2 cadrans solaires ; mais il n'a pas été établi que ces supports fussent en provenance de l'église. D'ailleurs, nous ne croyons pas que celle-ci ait pâti sérieusement du vandalisme jacobin. Sur un pilier du carré du chœur, à hauteur de la naissance de l'ogive, un écusson aujourd'hui nu, peut avoir été gratté ; un médaillon sur colonne engagée, près du portail, parait avoir reçu un choc ;
L'écusson gratté
Près du portail, le médaillon sur colonne engagée
une pierre sculptée, sur un contrefort placé à l'intersection des façades occidentale et méridionale, a sûrement été tétuée et rabotée.
Mais pas même la tradition n'attribue cet état de choses à la Révolution. Dans le sanctuaire, des chapiteaux à têtes d'anges et le maître-autel décoré d'un tableau de l'Assomption écussonné aux armes de prieuré, ont été respectés ; le blason des Férets fut laissé intact sur la vieille porte en chêne du portail. A défaut de preuves, rien n'autorise donc à penser que parmi nos ancêtres de 1793, il y ait eu des profanateurs.
La municipalité, toutefois, exécuta sans résistance, certains ordres du Directoire.
En l'an 2, les ornements du culte, les objets en cuivre et les cloches de l'église furent livrés au district ; ces dernières, comme tant d'autres, étaient réclamées en vertu d'un décret de la Convention, du 23 juillet 1793, pour être fondues et transformées en bouches à feu. Dans une circulaire du 24 septembre 1793, les Administrateurs du département déclaraient que «le bruit du canon doit flatter plus délicieusement l'oreille d'un patriote, que le vain son des clochers.»
Le 25 octobre suivant, le représentant du peuple Bô écrivait de Reims : ... «L'argenterie qui va nous arriver des départements des Ardennes et de la Marne est immense...»
... ...
La voûte de la nef centrale avait été percée, pour l'enlèvement des cloches, dans la travée avoisinant le portail. Le trou devait rester longtemps béant.
En cette année 1794, il n'était plus permis d'adorer Dieu en son église. Le nom de saint, même, était devenu séditieux. On martela sur le joli sceau ovalaire que la municipalité avait fait graver l'S initial de l'appellation du village qui rappelait une origine ecclésiastique. L'S s'atténua ; il ne disparut jamais entièrement et l'on continua de lire sur l'empreinte de cire rouge des actes officiels locaux, autour d'une couronne de feuillage enveloppant un faisceau de licteurs et un bonnet phrygien : «Municipalité de S.Vaubourg.»
... ...
Enfin la tourmente révolutionnaire s'apaisa.
Le culte fut rétabli et l'abbé Bénard, de Saulces-Champenoises, assura le service religieux à Sainte-Vaubourg. En 1802, il disait la messe dans la chapelle de l'ancien prieuré ; le dimanche on y chantait aussi les vêpres.
A ce moment, l'église trop longtemps abandonnée, avait besoin d'être remise en état avant d'être rendue aux fidèles. Une partie de sa toiture délabrée avait été couverte en chaumes.
... ...
Les travaux ne furent exécutés qu'en 1806. Honoré Beuvart, couvreur à Attigny, en eut l'entreprise.
Du devis descriptif qu'il fournit relativement à la réfection de la toiture, quelques renseignements sont à retenir :
a) au commencement du XIXe siècle, les chapelles latérales de l'église de Sainte-Vaubourg, étaient consacrées, celle du nord, à sainte Reine, et celle du sud, à saint Nicolas ;
b) sept contreforts étaient garnis, à leur partie supérieure, d'un revêtement en ardoise, ainsi que les auvents placés au-dessus des entrées ;
c) on utilisait à l'époque : l'ardoise grosse démêlée de saint Louis, 1ère qualité ; les lattes dolées, cœur de chêne, sans aubier de 44 pouces de longueur, 4 de largeur, et de 3 à 4 lignes d'épaisseur ; les contre-lattes étaient aussi en cœur de chêne.
Beuvart conclut marché, le 27 juillet 1806, avec Pierre Grosyeux-Flamanville, maire de Sainte-Vaubourg.
... ...
Mais en cours d'exécution, des réparations supplémentaires furent jugées indispensables et le devis fut dépassé de 156 F,90. La dette fut acquittée, en partie par les cultivateurs de Sainte-Vaubourg : M.M. Belloy, Didier Rémi, Didier Jean-Baptiste, Féquant, Broyé-Huguin, Flamanville, Jacques Broyé, Jacquemart, les veuves Louis et Henry Broyé, qui versèrent à Beuvart des acomptes en nature : sacs de blé et quelques quartels d'orge.
A ce moment, la paroisse de Sainte-Vaubourg était devenue «l'annexe de la succursale de Chuffilly.»
M. l'abbé Hulot en était chargé en 1807 ; il rénova la fête de sainte Walburge par la célébration, le 1er mai, d'une messe solennelle dans l'église paroissiale.
Un vicaire d'Attigny résida ensuite au village.
Le pèlerinage de sainte Reine y attirait, vers 1820, une grande affluence de pèlerins.
Quelques années plus tard, les Vaubourgiens trouvèrent l'occasion de manifester leur piété.
En 1826, la France entière célébra le Jubilé universel promulgué par le pape Léon XII, le 8 janvier 1825.
Pour participer à l'indulgence extraordinaire accordée par le Souverain Pontife, il fallait notamment, visiter dans le délai fixé, un certain nombre de fois quatre églises locales et y prier ; dans les campagnes, à défaut d'églises, les lieux de stations furent des croix désignées par l'autorité ecclésiastique : croix des cimetières, croix des calvaires paroissiaux, ou croix nouvelles spécialement érigées.
Il existait, à Sainte-Vaubourg, en face de l'entré septentrionale de l'église, une stèle en pierre, formée d'une colonne galbée à chapiteau dorique, que surmontait une croix aux 4 branches égales, décorée avec le trigramme, I. H. S. C'était la croix du cimetière. elle a été brisée accidentellement en 1910, pendant les travaux de réparations de la façade nord et ses débris ont été incorporés à la maçonnerie d'un pignon.
La fontaine sainte Reine devait être pourvue aussi d'une croix décorative.
Pour les besoins du Jubilé, les paroissiens en élevèrent une troisième dans l'angle nord-est formé par la croisée du chemin de l'église et du chemin de Derrière le Clos.
Elle existe encore.
Cette croix, haute de 2M,50 au moins, est en fer forgé et repose sur un socle en pierre qui la surélève de 0M,80 environ. A la jonction des branches, un petit Christ en cuivre est fixé ; une large couronne l'enveloppe, constituée par une série d'anneaux accolés munis chacun d'une épine extérieure. Au-dessus : une étroite banderole ; au-dessous, un petit tableau pour une inscription grossièrement gravée au poinçon :
PAROCHIA
St VALBURGÆ
ANNO JUBILÆ I
1826
Les bras se terminent en motif décoratif et la base est consolidée par des enroulements en fer plat.
Un tronc, et sans doute, une seconde plaque commémorative avaient été scellés dans l'épaisseur du socle : ils ont été détruits depuis longtemps.
Dessin de J. Lefranc 1906
La croix du Jubilé de 1826 à côté du monument aux morts (en 2016)
En cette même année du Jubilé, les Vaubourgiens achetèrent une cloche neuve pour leur église. (Les enfants, plus tard, l'appelèrent "la petite cloche", par opposition avec le nom de sa voisine, "la grosse cloche", plus volumineuse et d'un son plus grave)
Dix ans après, l'abbé Joseph fut nommé curé de la paroisse. Son influence bienfaisante se fit sentir aussitôt : la vie religieuse du vilage s'intensifia, l'église ne connut plus les jours d'abandon. Le mobilier cultuel s'enrichit ; autels et nefs s'embellirent; l'édifice répara ses dégradations
Les quelques éléments développés par Jules Lefranc peuvent être résumés ainsi :
- année 1836 : achat d'un ostensoir + niche dorée pour le saint Sacrement
- 1837 : achat d'un ciboire
- 1838 : installation des portes de protection devant les vieilles portes sculptées du portail occidental
- 1839 : réparation de la couverture et de la charpente du clocher
dorure du cadre du tableau central du maître-autel, remplacement du devant d'autel par un autre en bois peint + achat des 2 anges adorateurs aux extrémités de la corniche de l'entablement
- 1840 visite de Jean Hubert, inspecteur départemental des monuments historiques chargé par le préfet de rédiger un rapport sur l'église de Sainte-Vaubourg. Il y porte un jugement sévère comme sur beaucoup d'autres églises qu'il visite.
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A la suite de la visite de M. Jean Hubert, les marguilliers de la commune décidèrent l'acquisition d'une Vierge en pierre pour le portail. Elle fut achetée à Paris et mise en place en 1841.
Dans le même temps, deux lampes suspendues, à contre poids, furent installées devant les autels latéraux. L'on aménagea aussi la châsse contenant la relique de sainte Valburge, qui venait d'être offerte par l'évêque de Bruges.
Année 1843.
Le 7 mai, le Conseil de fabrique décida qu'il supporterait les frais d'une nouvelle voûte à l'entrée de «la grande neffe» de l'église. Le travail fut confié à M.Gaignot entrepreneur à Rilly-aux-Oies, et coûta 600 fr.
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Puis le 3 février le Conseil s'enquiert d'acheter un presbytère, qui sera acquis le 2/11/1846 (= la maison de M. Bara, curé de la cathédrale de Reims qui deviendra évêque de Châlons-sur-Marne => sa mère était née Collignon ! ...)
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Année 1847 Le sanctuaire de l'église est carrelé en marbre. Coût : 574 fr.
Le carrelage de 1847
Année 1850. Le Conseil de fabrique décide de faire paver les nefs en pierre bleue de Saint-Laurent et engage à cet effet une première dépense de 400 fr.
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1852 : demande de classement Monument historique.
1853 : carrelage en marbre des chapelles latérales
1854 : plancher pour les emplacements réservées aux paroissiennes !!
1858 : réfection du pavage du chœur, dorure des encadrements des tableaux aux autels de sainte Reine et sainte Valburge.
1860 : don de Mgr Bara évêque de Châlons d'un calice en argent avec coupe et patène en vermeil
1862 : achat d'un chandelier pascal ; don d'une bannière de la Vierge par Mr Flamanville surnommé Le Professeur
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Un calvaire composé d'une croix en fer forgé (modèle : la croix du jubilé), et d'un socle en pierre est érigé au sud-est du village, en lieu-dit " l'Orme"
La croix de l'Orme toujours en place (les deux ormes sont remplacés par un noyer)
1864 : Fabrication d'un fauteuil en menuiserie et tapisserie, pour l'officiant (fauteuil en X) ; les deux tabourets destinés aux enfants de chœur, avaient été exécutés en 1863.
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1865 : pose de la grille du sanctuaire. Blanchiment des murs intérieurs par MM. Vuibert d'Ecordal. Pose d'une Assomption en verre peint dans la rosace du portail.
1866 : Pierre Flamanville donne le tableau qui orne l'autel de sainte Reine il est signé Darjou, peintre à Paris. Une croix en fonte noir et or est placée au sommet du maître-autel.
1868 : le tableau de l'autel de sainte Valburge est restauré (aux frais de M. Flamanville).
... ...Années 1869-1870. La restauration de la couverture est décidée. La tour est supprimée et remplacée par une flèche flanquée à sa base de 4 petites pyramides. En vue de cette transformation, 5 boules dorées à placer aux pointes sont achetées pour 72 fr.
Année 1875. Melles Broyé font don à l'église d'un groupe en stuc colorié représentant N.D. de la Salette ; la Vierge et les deux enfants sont grandeur nature. Le groupe est placé dans la chapelle de sainte Valburge, sur un fût haut de 1M, 50 environ accolé à la muraille, au-dessous de la fenêtre du croisillon sud. Sur toute la largeur du socle et jusqu'à la fenêtre, le mur est peint en bleu et une bordure de lentilles en plâtre délimite une niche factice monumentale.
Notre-Dame de la Salette grandeur nature
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1876 : M. Flamanville fait refaire par Darjou le tableau décorant l'autel de sainte Valburge. Décès du bienfaiteur et ses dispositions testamentaires en faveur de la commune et de l'église
1877 : le peintre Darjou s'installe au village et exécute la copie de l'Assomption du maître-autel (coût 730 fr.)
1878 : pose des verrières du sanctuaire par M Marquant, peintre-verrier à Reims. L'abbé Fossier achete à Paris le chemin de croix en toile peinte.
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Année 1881 : la maison Vermonet-Pommery, de Reims exécute une verrière pour la fenêtre ogivale du bas-côté sud. Sujet : l'Assomption d'après le tableau de Murillo au musée du Louvre.
Année 1885 : la même maison exécute un saint Isidore patron des laboureurs, pour la fenêtre du bas-côté nord. (Isidore était le prénom de M. l'abbé Fossier.)
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1898 : travaux de réparation de la façade sud exécutés par M. Chatignoux entrepreneur à l'Isle-Adam (Seine et Oise)
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Années 1909-1910. La restauration de l'église, suspendue depuis 1898, est reprise, à la charge exclusive de l'Etat. La couverture est refaite en totalité ; la flèche du clocher est reconstruite à neuf.
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Les matériaux
Les parements extérieurs des murs de l'église de Sainte-Vaubourg sont en pierre de taille ; seul, un pignon de la façade nord est construit, partiellement, avec des moellons de craie.
La pierre utilisée provient des carrières de la région : Neuville-Daÿ, Semuy ou Rilly.
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La craie employée dans un pignon de la façade nord provient de Vaux-Champagne ou de Coulommes.
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Façade nord
On y remarque, en allant de l'est à l'ouest :
- deux pans du chevet polygonal,
- deux pignons successifs,
- un mur bas, dans lequel une entrée est ménagée et qui domine un comble énorme
Chevet
A chaque pan, de l'abside, correspond une grande fenêtre ogivale, de style flamboyant ; à l'origine, ces baies descendaient très bas ; mais elles ont été murées en partie, probablement par mesure de sécurité.
Transept
Le pignon du transept présente une disposition particulière : comme certaines maisons du Laonnois ou de Bruges, il est redenté (10 redents sur chaque versant) ; face à l'est, sur le premier gradin, est sculptée une tête d'ange. Des agrafes de fer, en forme de chiffres indiquent l'époque de cette transformation : 1624. Deux baies circulaires d'un petit diamètre, - simples évents -, se voient au-dessus du millésime ; Plus haut d'autres agrafes formaient le trigramme du Christ ; il ne reste plus que les lettres I. S. Au sommet du pignon, une croix en fonte moderne remplace probablement la croix primitive en pierre de taille.
A hauteur de la date 1624, une niche élégante a été construite ; elle abrite une Vierge Marie ancienne, couronne en tête et voile pendant, qui porte l'Enfant Jésus. Trois lettres sont gravées sur le socle de la statue, M T C.
Sur les côtés de la niche, arrondie à sa partie haute et dont le fond est peint en bleu, sont disposés des chaînes d'angle en pierre de taille ; au-dessus, deux consoles à écailles supportent un fronton triangulaire aux lignes latérales incurvées. Au centre du triangle formé est une tête d'angelot ; on a placé aux 3 sommets, des acrotères et des terminaisons qu'on représentera sommairement chacune, par une lentille circulaire convexe sur un pivot vertical.
Nota : Cette niche a été reproduite à une très petite échelle dans une sorte de lanterneau en pierre qui existe près de l'église de Chuffilly et qu'on appelle «la Fontaine Saint-Pierre».
Le pignon du transept est percé d'une fenêtre plein cintre. Le demi-cercle du haut est bordé d'un bandeau dont les extrémités sont reçues par 2 colonnettes engagées à chapiteau. D'après M. Jean Hubert, ces chapiteaux sont «d'ordre grec». Ils comportent de haut en bas :
un abaque, avec une rose à 6 lobes en son milieu, un filet rectiligne d'où part, à droite et à gauche, une volute, une suite de palmettes à feuilles en virgules, comme celles qui sont peintes sur certains vases de la Grèce antique, enfin, un tore sur le pourtour de la colonne engagée.
Contreforts Des contreforts encadrent le croisillon. L'un, de construction moderne, est orienté au nord-est ; il est d'un modèle inusité, fort laid et parait inachevé. L'autre, du côté de l'ouest, butte le mur voisin ; il est à demi-engagé dans la maçonnerie et paraît indiquer un changement dans l'implantation primitive de la façade.
2ème pignon Le pignon adjacent, vers l'ouest, est construit partiellement en moellons de craie. Une grande fenêtre ogivale en occupe le centre et deux contreforts le calent, l'un porte la date 1679.
La partie haute a été refaite en 1910 ; elle a été pourvue d'un couronnement sans crochets et d'un fleuron.
Le couronnement, en pierre de Neuville, repose sur un mur de 0m,35 ; son profil en travers figure un chapeau de gendarme et mesure 0m, 50 dans sa plus grande largeur.
Le fleuron a été mis en place le 8 septembre 1910 ; il est constitué par un tronc de pyramide quadrangulaire, avec bourrelet à son sommet et sur les arêtes duquel s'attachent quatre crochets de rampant disposés en croix. Ces motifs, aux formes tourmentées, sont des arrangements de feuilles frisées, comme on en voit, par exemple, à la cathédrale de Troyes et à N-D. de l'Epine, près de Châlons.
L'embellissement de ce second pignon est l'œuvre de M. Paquet, architecte à Paris.
Au-dessus du contrefort marqué 1679 est placée une gargouille ancienne en pierre sculptée. Elle représente la partie antérieure d'un porc, qui se roidit sur ses pattes arcboutées contre le mur ; l'oreille est pointue, rejetée en arrière, la tête horizontale, la gueule grande ouverte pour un cri formidable.
Partie antérieure de la façade La dernière partie de la façade nord, (celle qui se trouve à l'ouest),était anciennement percée de deux ouvertures : une petite baie en plein cintre sous la corniche et une entrée. La baie a été murée ; l'entrée subsiste et s'appelle à Sainte-Vaubourg : «la petite porte de l'église.» Elle est surmontée d'un auvent en planches recouvert d'ardoises ; son linteau d'une seule pierre, est orné, dans sa partie basse, d'une accolade très simple, en creux. Un huis en bois rapiécé et tout bardé de barres de fer, en permet la fermeture
Nota : Le décrottoir en fer qui figure au croquis a été supprimé en 1910, au moment de la réfection de l'église. L'auvent a été menacé.
La "petite porte" aujourd'hui orpheline de son auvent et de son décrottoir!
A l'intérieur on remarque sur cette vieille porte en bois un tronc et plusieurs serrures. Le tronc ne recevait plus, comme offrandes, que des débris d'ardoise glissés du dehors par les enfants : il a été abandonné depuis longtemps. Les serrures sont d'un autre âge. Celle qu'on utilise encore est à pattes et mesure 0m,23 X 0m,11 ; on y lit sur une plaque circulaire en cuivre : RAUBACH - 1861 -.C'est le nom du fabricant, un ouvrier serrurier qui, dit-on, habitait la maisonnette appelée plus tard : «Le Bardo», située sur la route d'Attigny à Coulommes, près du débouché du chemin de Vaux-Champagne
Le tronc existe toujours mais a perdu sa plaque circulaire; à noter que les boiseries de la porte ont été refaites à neuf ces dernières années en conservant , à l'extérieur, les barres de fer d'origine.
Façade ouest
La façade de l'ouest, large d'environ 15 mètres, est compartimentée par 4 contreforts massifs et sans ornementation.
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Le portail
Le portail de l'église de sainte-Vaubourg est large d'environ 3 mètres et haut de 5.
La vue photographique ci-après, publiée en 1906, par la Revue Historique ardennaise, d'après un cliché de M. Ch. Hemmerlé de Monthois, en représente l'aspect à cette époque.
De haut en bas, ce portail a, comme parties constitutives : 1° un amortissement en talus sur toute sa largeur ; 2° sous la corniche, une ligne d'arcatures à jour, qui s'entrecroisent et qui comportent de part et d'autre de l'axe médian, 5 centres d'où descendent des meneaux moulurés ; 3° une archivolte ogivale où s'appuient les meneaux ; 4° sous l'arcade, un tympan plein ; 5° une ouverture, qu'un trumeau divise en 2 parties, et qui donne accès directement dans l'église.
L'amortissement .
En 1906, le talus supérieur du portail était encore recouvert par une planche ardoisé qui a été supprimé en 1910. On l'aperçoit sur la gravure ci-dessous ; un sureau avait poussé en son milieu.
L'ancien porche.
Il y a un peu plus de dix ans, M. Henri Jadart disait ne plus connaître, dans les Ardennes, que 2 porches : l'un, en avant de la chapelle de la Vieille-Ville, à Saulces-Monclin ; l'autre, à l'entrée du cimetière de Balham, et indiquait comme ayant été démolis ceux de Renwez et de Charbogne.
Il existait un porche à l'église de Sainte-Vaubourg aussi et le petit toit d'ardoise dont il est parlé plus haut, était tout ce qu'il en retait en 1906. L'auvent qui le constituait a dû disparaître vers 1860. Quant à ses dimensions, elles sont inscrites sur les murs : il couvrait tout l'espace compris entre les contreforts placés à droite et à gauche du portail ; une poutrelle d'appui allait de l'un à l'autre ; les trous d'ancrage se voient encore, ainsi que la trace grise qu'a laissée le toit incliné.
Les arcatures.
Les pierres moulurées des arcatures, en s'entrecroisant, forment sous la corniche des jours d'un dessin gracieux : triangles aux contours curvilignes et lancettes que des redents changent en trilobes. On a remplacé, en 1913, le meneau manquant qu'accuse la photographie.
Celle-ci laisse deviner à peine, de chaque côté de la partie ajourée du portail, une sorte d'épi, à section triangulaire dans le bas et que termine une étroite pyramide, escaladée par trois lignes de petits crochets sculptés ; tout en haut, le fleuron s'épanouit en 3 branches, qui, deux à deux, retiennent un grènetis (fig. 2 &3). Ce motif est bien connu : on le rencontre au musée de Cluny sur tous les dressoirs en bois sculptés du XVe siècle ; le grènetis du fleuron seul est rare.
Faces latérales.
A la même hauteur, formant jonction entre les faces latérales du portail et le mur de façade, se trouve, à droite et à gauche, une colonnette engagée qui porte un chapiteau à sa partie supérieure. Ce chapiteau était-il destiné à recevoir une statue, comme la chose avait lieu à l'église de Montmarin? C'est probable. En 1909, en réparant un mur tout près de là, un maçon a retrouvé dans la maçonnerie de blocage un débris de statuette : un petit buste en pierre, haut de 0m,14, large de 0m,11, qui représente un chevalier barbu, coiffé d'un casque, à visière relevée.
Le portail de l'église (aujourd'hui détruite) de Montmarin
L'archivolte.
L'archivolte, que surmonte un gâble minuscule, est ornée de crochets à feuilles de chêne et de deux huppes symétriques. Que signifia jadis, sur le cintre, la présence de ces oiseaux? Car au temps où ils furent taillés l'art du symbolisme chrétien n'était pas encore entièrement perdu. Pour Hugues de Saint-Victor, la huppe caractérise la malpropreté et le mauvais renom.
Mais s'agit-il bien de la huppe?
Par un beau midi de septembre, comme nous nous rendions à l'église, des petits oiseaux fuyaient devant nous, dans la poussière ensoleillée du chemin. Quand leurs pattes menues n'en purent plus de courir, ils ouvrirent leurs ailes et, avec des cris, ils prirent le large d'un vol bas et ondulant. Nous les avions reconnus : c'étaient des "alouettes de Champagne", des alouettes huppées.
A ce moment nous avons eu la vision d'un imagier du vieux temps qui, lui aussi, s'en allait vers l'église du village, où l'appelait son travail ; devant ses pas, sur la sente et dans les sillons, des alouettes, pareilles à celles qui venaient de s'envoler, trottinaient au soleil.
Il les regarda, rempli d'admiration ; puis, plus loin, il arracha, dans la haie du cimetière, une branche , à un chêne nain, et de retour à son échafaudage du portail, il se sentit tout joyeux : il avait trouvé deux motifs pour les crochets bruts qu'il avait à décorer sur le cintre...
Notons encore que, dans la faune emblématique du moyen âge, l'alouette a une signification acceptable. Sainte Mechtilde la rapproche des gens qui accomplissent leurs bonnes œuvres avec gaieté ; dans les vitraux de Bourges, elle est le témoignage de la charité envers les malades.
Les huppes du portail sont accroupies sur le voussoir, les ailes relevées et la tête tournée en arrière ; leurs plumes sont simulées par des grains. Ces oiseaux, comme les autres sculptures, sont l'œuvre d'un habile artisan plutôt que celle d'un artiste.
Vers les naissances de l'ogive, deux griffons, taillés dans des pierres en saillie, se penchaient sur le vide. Celui de droite est brisé ; celui de gauche, en bon état, a la tête des tritons de notre ruisseau La Doreuse et l'aile d'une chauve-souris.
Faut-il y voir le dragon dont parle le psaume 90?
Le griffon de droite brisé
Aujourd'hui celui de gauche également brisé
Avant
Sur tout le pourtour intérieur de la voussure ogivale courait une guirlande de branches de chêne encastrée dans une gorge ; la masse avait été refouillée délicatement pour en dégager les rameaux de pierre, leurs feuilles et leurs glands. Très beau travail, certes, mais fragile. Les siècles y ont fait des ravages : de l'œuvre, c'est la partie qui a le plus souffert. En 1913, l'empreinte des fragments qui restent, avait été prise et, sans la guerre, on eut pu espérer la restauration prochaine de l'ensemble. Quand sera-t-elle réalisée? ...
A gauche, au point de départ de la branche de chêne, existait une statuette, dont la tête est à demi-brisée : elle représente, semble-t-il, un homme dans l'attitude d'un joueur de contre-basse à cordes. Sous ce motif se trouve un culot, fait de branchages et probablement d'une pomme, puis, à la partie inférieure, d'un serpent enroulé en 8. Du côté droit, un autre culot subsiste, composé avec des branchages aussi ; mais le serpent y est remplacé par une tête de femme, à la chevelure ceinte d'un rang de perles. Les deux motifs ne se complètent-ils pas? Ils nous paraissent évoquer l'Eve du Paradis terrestre et le tentateur qui la trompa.
Le tympan.
Les nervures et les jours habituels de la période flamboyante y sont remplacés par des bas-reliefs menus. Une sorte de feston composé avec des glands à double pédoncule stylisé en fait tout le tour; puis, sur le champ plein, deux rinceaux de branches de chêne, dont les volutes inverses dessinent un cœur, la pointe en bas, abritent une paire de colombes. "D'après tous les mystiques, la colombe est l'image de la Vierge et du Paraclet" (Nota : J.K. Huysmans. La Cathédrale p. 415) et il ne faut point oublier que l'église de Sainte-Vaubourg est dédiée à Notre-Dame.
Le tympan est orné, en outre, de 3 statues : au centre, la Madone, à sa droite, sainte Reine et, à sa gauche, sainte Valburge. Les socles d'une hauteur uniforme de 0m,27, sont tous anciens. Celui du milieu comporte, de face, un écusson qui semble avoir été gratté, et des branchages, sur les côtés. Le socle de gauche, composé d'un entrelacs de rameaux de chêne est endommagé. Le dernier qui, en 1914, était encore en bon état, a été détérioré par un éclat d'obus ; il est fait d'une branche de vigne garnie de feuilles et de grappes de raisin.
Le tympan aujourd'hui!
La Vierge est placée sous un dais en pierre, à section trapézoïdale, la grande base collée au mur de façade. Les 3 faces verticales apparentes sont décorées avec un fleuron gothique posé sur l'un des 5 pans d'une demi-rosace. devant les arêtes est placée, sur un prisme, une sorte de petit pinacle à crochets. ces dispositions décoratives se retrouvent à l'intérieur de l'église, sur une ancienne piscine.
Un dais, à peu près semblable à celui du portail, et datant du XVIe siècle, se voit dans l'église de Chuffilly ; il est surmonté d'un pinacle.
Statue de la Vierge.
Cette statue a 0m,95 de hauteur; la Vierge est debout, portant sur son bras gauche un enfant nu qui joue avec un oiseau. La scène, souvent représentée par les imagiers du moyen-âge, est tirée des évangiles apocryphes qui racontent que, Jésus enfant, de compagnie avec Thomas l'Israélite, s'amusait à modeler des oiseaux en argile et à les animer ensuite en soufflant dessus.
La Vierge a les cheveux dénoués ; ils encadrent sa face sereine. Elle est vêtue d'une robe longue et montante, avec manches étroites et ceinture, ainsi que d'un ample manteau.
Un arrêté ministériel, du 30 septembre 1911, a classé cette statue au nombre des monuments historiques et l'indique comme étant du XVIe siècle.
Pourquoi du XVIe siècle? Parce que l'église est de cette époque? La raison, vraiment, ne saurait suffire.
Dans son rapport du 28 mai 1840, M. Jean Hubert constatait que les 3 piédestaux du portail étaient dépouillés de leurs statues. Et, en effet, la Vierge fut achetée à Paris à la suite d'une décision du conseil de fabrique, en date du 24 mai 1840, et ne fut mise en place qu'en 1841 ; elle coûta 52F,50, port compris.
Il n'existe donc aucun lien de contemporanéité entre le style de l'édifice et la statue.
Une enquête l'eut révélé probablement et aurait permis d'éliminer de la liste de classement une attribution qui paraît fort contestable.
En 1912, dans une conférence sur l'Art français, le poète Haraucourt disait à ses auditeurs en leur présentant diverses œuvres du Musée de Cluny :
«Au XIIIe siècle, la Vierge est une déesse ; au XIVe siècle, elle est une reine ; au XVe et XVIe siècles, elle est une femme ; parfois même, elle n'est plus qu'une robe.»
Il montrait à ce moment des statuettes de la Renaissance allemande.
Au XVIe siècle, la Vierge est une femme, et c'est bien ainsi qu'elle apparaît sur les cartes qui suivent (non reproduites ici), représentant des madones de cette époque : vierges champenoises de Saint-André de Troyes, et de Villemaur, vierge tourangelle ou vierge cévenole, toutes aux formes charnelles, toutes mignardes et porteuses d'atours.
... ...
La statue du portail de Sainte-Vaubourg... se rapproche de toute évidence des vierges de Cernay-les-Reims, d'Orcival, des cathédrales de Chartres et de Paris dont nous joignons les photographies (non reproduites ici) : même attitude, même sourire stéréotypé et surtout même costume, ce costume conventionnel que du XIIe au XVe siècle, les artistes ont donné invariablement à la Mère de Dieu.
A Sainte-Vaubourg, il est vrai, la couronne manque ; mais en examinant l'œuvre de près, on peut remarquer que les cheveux sont sans épaisseur sur le front et constater ensuite que le dessus de la tête est plat : la couronne de la reine du ciel, - en pierre rapportée -, a dû tout simplement être enlevée.
Une conclusion se dégage de ces détails et de ces comparaisons que nous aurions pu multiplier : c'est que la Vierge du portail de l'église de Sainte-Vaubourg date du XIVe siècle, et non pas du XVIe siècle comme l'indique à tort l'arrêté de classement.
Statues de sainte Reine et de sainte Valburge.
On sait, par le rapport de M.Jean Hubert, que ces statues n'étaient point en place en 1840 ; d'autre part, il n'en était pas fait mention, à aucun moment dans le registre du Conseil de fabrique : il y a lieu de croire qu'elles représentent des dons faits à l'église.
Sainte Reine est debout, tenant de la main droite, une palme et de la main gauche, une épée, la pointe en bas ; sa robe, aux plis droits, est longue et serrée à la taille ; un grand voile tombe derrière ses épaules.
La statue, qui mesure 0m,70 de haut, a été fortement endommagée par un obus ; elle est peinte en blanc, exception faite de la chevelure et des yeux qui sont colorés en noir.
Sainte Valburge porte le voile des religieuses et sur sa robe, un étroit scapulaire. Elle tient ses mains longues et plats, croisées sur sa poitrine. La statue, haute de 0m,70 aussi, est de proportion peu heureuses. Le buste est court et les bras sont trop longs. La face, aux grands yeux arrondis et bombés et à la bouche inquiète, exprime la stupeur.
L'entrée.
Les deux portes d'entrée, de forme rectangulaire, ont 2m,40 de hauteur, et 1m,10 de largeur chacune ; le trumeau en pierre qui les sépare a extérieurement 0m,30 de large environ. L'encadrement de ces ouvertures offre quelque analogie avec celui des fenêtres de l'hôtel de Cluny, à Paris.
De l'extérieur à l'intérieur, il est constitué par les moulures ci-après : un listel, un cavet, un second listel, une rainure à section carrée, un filet triangulaire, à arête médiane en saillie, enfin un 3ème listel. Dans la partie haute, l'intersection des filets prismatiques verticaux et horizontaux détermine des encoignures d'un bel effet. La partie saillante du trumeau est ornée d'un enroulement de ruban, large de 0m,06, sur lequel sont sculptées des roses doubles quintefeuilles.
... ...
L'huisserie.
Les vantaux en chêne sculpté du portail sont partagés, par les pentures, en 3 parties superposées de 0m,75 chacune ; chaque partie est elle-même subdivisée par des montants verticaux en menuiserie en 3 compartiments. Il y a donc en tout 9 panneaux par porte.
... ...
Quatre panneaux du vantail de gauche sont semblables. Ils sont ornés d'un motif formé avec une draperie plissée que le tailleur de pierre appelle plaisamment «un drap de lit». Ce motif était courant au XVe et au XVIe siècles. Viollet-le-Duc en a indiqué l'origine probable. «Dans la menuiserie antérieure aux XVe siècle, écrit-il, il était d'usage souvent, surtout pour les meubles, de revêtir les panneaux de peau d'âne ou de toile collée sur le bois au moyen de colle de fromage ou de peau. Lorsque ces boiseries vieillirent, ces revêtements durent quelquefois se décoller : delà, des plis, des bords retournés. Il est à présumer que les menuisiers eurent l'idée de faire de ces accidents un motif d'ornement ; - de là ces panneaux à parchemins plissés si en vogue pendant le XVe et le commencement du XVIe siècle.»
Nota : Viollet-le-Duc Dictionnaire raisonné d'architecture tome VI : Menuiserie page 360
https://fr.wikisource.org/wiki/Dictionnaire_raisonn%C3%A9_de_l%E2%80%99architecture_fran%C3%A7aise_du_XIe_au_XVIe_si%C3%A8cle/Menuiserie
Deux autres panneaux du même vantail sont sculptés. L'un et l'autre, ils ont l'aspect, dans le bas, de 2 petites fenêtres ogivales à remplage flamboyant ; chacune de ces fenêtres est surmontée de 2 ovales pointus superposés dont le milieu est occupé par une rose à quatre pétales ; de ce centre sont projetés, vers le pourtour, des rais qui s'incurvent et dessinent des biseaux en relief et des larmes en creux. Les losanges qui s'intercalent entre les ovales sont garnis d'un assemblage de feuilles opposées à limbe pointu, qui forment une croix.
... ... Le dernier compartiment simule :
(a) dans le bas, sur le tiers de la hauteur, 4 petites fenêtres à lancettes, formées par l'intersection d'arcatures circulaires ; l'écoinçon placé entre deux sommets d'ogive consécutifs est orné d'une feuille tripartite tout à fait gracieuse ;
(b) au-dessus, sur toute la largeur, apparaît un cadre ogival terminé en pointe, par une croix tréflée ; sur l'ogive sont disposées extérieurement, en crochets de rampant, deux autres croix de même type sur un fond agrémenté d'enroulements issus d'une rose ;
(c) la partie centrale du cadre est occupée par un écusson chargé de 3 fasces en relief ; cet écusson est surmonté d'un motif à terminaison tréflée et se trouve maintenu, sur les côtés, par des arrangements d'accolades obtenues par le creusement de jours en forme de larmes. Il s'agit du blason des Féret de Montlaurent qui portaient d'argent à 3 fasces de sable ; Hiérosme de Féret, bénédictin de Saint-Remi de Reims, fut prieur de Sainte-Vaubourg de 1623 à 1634 ; il fut probablement le donateur des vieilles portes de notre église.
Partie supérieure du vantail gauche
Le vantail de droite est moins bien conservé que le vantail de gauche.
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Tous ces motifs décoratifs, roses, larmes creuses et filets tortueux étaient d'un emploi usuel en menuiserie à la fin du XVIe siècle. On les rencontre en Normandie, à Lyon, en Bourgogne, en Champagne, sur les bords de la Loire etc. M. Alfred de Champeau explique cette uniformité ornementale par les migrations ouvrières, mais encore par "le succès des compositions gravées des petits maîtres qui, [alors] furent adoptées partout".
Les portes de l'église de Sainte-Vaubourg ne sont point montées sur gonds ; les barres de fer plat, terminées en trèfle qui, extérieurement, paraissent les maintenir en position verticale ne sont, en réalité, que des fausses pentures. Chaque vantail est muni latéralement, en haut et en bas, d'un pivot et c'est autour de l'axe passant par les deux mamelons que se fait la rotation de l'huis.
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Façade du midi
On y distingue, de l'ouest à l'est :
- d'abord , comme sur la façade nord, une partie caractérisée par un mur bas et un comble démesuré ;
- puis un 1er pignon ;
- la tour du clocher ;
- un second pignon ;
- la sacristie ;
- deux pans de l'abside pentagonale ;
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Le 1er pignon a été restauré en 1898. On notera que ... le restaurateur de 1898 y a substitué une gargouille sculptée. Elle figure un monstre fantastique à tête de satyre : front fuyant, nez crochu, grande bouche sarcastique, oreilles pointues ; son cou est couvert d'écailles et son torse est velu ; il s'appuie au mur par des pattes de tigre.
Le monstre à tête de satyre
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S'agissant du 2ème pignon : ... une partie des crochets d'aujourd'hui existaient avant la restauration, notamment du côté de l'est, une chimère ailée et un ange qui joue du rebec en regardant le ciel. L'architecte s'est inspiré de ces deux sujets pour le remplacement des crochets détruits sur le rampant ouest. Il a créé une chimère à corps de chèvre et à tête d'autruche, puis un ange gracieux, aux cheveux bouclés ; il est vêtu d'une robe longue et se tient accroupi sur une trompe gigantesque qu'il porte à sa bouche.
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Inscriptions sur les murs
Nous ne reviendrons pas sur celles que nous avons signalées dans la 1ère partie de ces notes.
Au chevet, une date est gravée au-dessus de l'inscription Sebasten Le Grand : "6 mai 1810" ; un nom est répété plusieurs fois plus bas : "BELLOY".
Face à l'est, on lit : EUGUIN 1827 et AUBLIN
Marie, Marguerite Victoire Huguin, épouse de Jean Broyé, maire de la commune, mourut à Sainte-Vaubourg, le 10 octobre 1853, à l'âge de 67 ans. Il s'agit probablement d'un de ses parents. La famille Aublin, allié aux Loumaye de Beaumont, exploitait la ferme du château en 1876 et quitta le village en 1885.
Au croisillon nord, on trouve, face à l'orient, l'inscription reproduite ci-contre, (non reproduite ici) concernant Jean-Ponce Belloy. La famille Belloy, à laquelle nous avons consacré des notes spéciales, occupa pendant plus de 250 ans la ferme située à l'est du "gué Maillet". Elle s'est éteinte en 1914. Les Belloy tinrent des fermes à Marqueny, Coëgny, Wallart etc ; ils étaient alliés aux familles Déa, de Chufilly, Cuif de Méry, Didier, de Sainte-Vaubourg, Misset, de Resson etc.
Face au nord, on peut lire facilement : S. FAVREAUX GEΠAL 1782.
Sur le pignon voisin, construit en moellons de craie, les graffites sont très nombreux ; la plupart sont des croix ou les lettres I H S. On a voulu voir dans ces signes des indications de sépulture ; nous croyons qu'ils sont presque tous le fait d'enfants attendant l'heure des vêpres, le dimanche.
Nous avions noté, en cet endroit, en septembre 1911, un dessin naïf d'oiseau et un profil de soldat prussien, comme les écoliers en traçaient sur leurs ardoises, après 1870. Nous ne pensions guère, à ce moment, qu'une nouvelle invasion était proche.
Dans le voisinage de l'entrée nord-ouest, sur le contrefort côté de l'orient, sont gravés les noms de : BERNIER 1765 et de Fulgence Beaujot. Ce dernier était couvreur et répara le toit de l'église en 1876.
On remarque, sur le linteau de la petite porte, des tampons de bois enfoncés dans la pierre et retenant des clous rouillés, façonnés au marteau. Des débris de carton ou de papier, en pourriture, retrouvés autour de quelques uns, laissent supposer qu'il y eut là, jadis un tableau d'affichage.
Au-dessus de l'accolade, on lit :
J b. CAηOη 1803
et au-dessous:
AILOY
1750
Les familles Canon et Eloy sont éteintes à Sainte-Vaubourg ; elles étaient alliées.
Plus bas encore, on devine d'autres inscriptions devenues illisibles.
sur le mur voisin, face à l'ouest, nous avons relevé ces mots : IN. VOS † EST†
Sur la façade sud, vers le sommet de la fenêtre ogivale du second transept, se voit un limbe gradué et la trace d'un style, au centre. C'est ce qui reste, sans doute, d'un ancien cadran solaire.
La face occidentale de la tour du clocher porte les 2 inscriptions suivantes :
(a) : FUIT, EST, ERIT
(b) : le 3 MAI 1801
PIERRE DE MOUZON
Un vieillard, que nous avons connu, a fait graver son nom sur un contrefort, près de la fenêtre de la sacristie :
CHes LOUIS PONCELET
NÉ
A NOIRVAL L'AN 1801
AGÉ DE 84 ANS
En 1885, Charles Louis Poncelet était un petit homme sec et voûté, aux cheveux blancs, à la face rasée ; il restait fidèle au sarrau bleu des aïeux. Au village, on l'appelait "pá [pa] l'ami". Chaque midi, il se rendait à l'église et devant les autels longuement, pieusement, il y récitait des prières et chantait des cantiques. Vers l'époque de l'inscription, il avait trouvé, en glanant, une tige de blé phénomène : elle portait deux épis. Il avait prélevé quelques grains pour une future semaille et fait encadrer sa trouvaille, entre des images de la Madone. Mais quand vint l'autre moisson, l'espoir du vieillard s'était évanoui : l'épi-double ne s'était pas reproduit.
Le mur de la sacristie, face au levant, est couvert d'inscriptions ; beaucoup de dates : 1766 (2 fois), 1789, 1804, 1811, 1815, 1832, 1901 et ces deux phrases latines :
(a) DOMUS MEA DERELICTA EST
et plus bas : (b) : ECCE DOMUS DOMINI.
Nous avons relevé les noms de Louis Didier, Cadet Didier, TOUSSAINT, JACQUES et Deban. Le premier, qui fut conseiller municipal et marguillier, exploitait l'ancienne cense de Saint-Remi de Reims; (Nota : il mourut en 1888) ; son homonyme, (cadet est un surnom et a le sens de puiné), était charron et vivait encore au village en 1900.
Les Toussaint habitaient Attigny et les Jacques étaient propriétaires à Sainte-Vaubourg. Deban rappelle Jean-Baptiste Deban qui fut maître d'école local de 1827 à 1854.
En somme, aucune des inscriptions notées n'est particulièrement intéressante.
FIN DE CETTE PREMIERE PARTIE
La seconde sera consacrée au descriptif de l'intérieur de l'église selon la suite du récit de Jules Lefranc
Voir : Notre-Dame de Sainte-Vaubourg (2ème partie)
JLC
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