ASFELD : unique au monde avec sa forme de violon
Une église étrange
"Classée Monument historique, l'église Saint-Didier d'Asfeld, de style baroque, est la plus étrange des églises de Champagne-Ardenne et même de France." titre le site web du Pays Rethélois (1)
Elle est connue de tous et a été maintes fois décrite. Elle serait "unique au monde avec sa forme de violon" comme le prétendait Hubert Claisse dans un article du quotidien régional L'Union dans l'édition du 09 août 1983, paru à l'occasion des 300 ans de l'église.
Synthèse des publications retraçant son histoire
D'abord un bref historique
Écry, qui était la dénomination primitive du bourg, conserve la mémoire d’un fait historique d’importance. C’est ici, à l’issue d’un grand tournoi réunissant, le dimanche 28 novembre 1199, huit comtes influents, que Foulques de Neuilly prêcha la IVème croisade. Le comte Thibaut III de Champagne s’y enrôle suivi d’un grand nombre de chevaliers et de barons.
A l’époque de Louis XIV le fief d’Écry dévasté par les guerres, est racheté par le comte d’Avaux, Jean-Jacques III De Mesmes (1640 – 1688). Pour la circonstance Écry est rebaptisé Avaux-la-Ville (1671).
Le comte cumule les honneurs et prend une part active aux destinées du royaume de France.
Il est notamment investi de la charge la plus importante en matière de justice en devenant président à mortier au Parlement de Paris (ainsi désigné à cause du bonnet en forme de mortier que portaient les hauts dignitaires nantis du titre). Il est aussi grand maître des cérémonies de l’Ordre du Saint-Esprit. Il acquiert ainsi une renommée de prestige et, sur ses terres d’Avaux, décide de remplacer la vieille église qui menace ruine, par un édifice plus digne de son rang. En 1680 le maçon Jean Despère démolit l’ancienne bâtisse et pose les fondements d’une nouvelle église selon les plans d’un architecte local, M. Fleury, aidé par un ingénieur de grande réputation, le frère dominicain François Romain (Gand 1647 – Ϯ Paris 1735).
La convention notariale signée le 26 juin 1680 invite en effet Jean Despère « à… bastir et construire icelle nouvelle église suivant le model et dessein de Monsieur Fleury, que ledict Despère a dit avoir veu, et suivre tout l’ordre qui luy sera donné, tant pat le sieur Fleury que par frère François Romain, qui conduiront les dis ouvrages en ce qui concerne la massonerye…» Henri Jadart. Notice historique et descriptive de l’église d’Asfeld (Ardennes). Caen 1889.
Photo copiée sur le web avec l'aimable autorisation de son auteur : Jose Valente de Pinho (voir sa page Facebook)
Près d’un siècle plus tard, Avaux-la-Ville change à nouveau de nom.
Le fils d’un marchand de Paris, Pierre Bidal, anobli en 1653 par la reine de Suède en récompense de services rendus, avait reçu des fiefs dont celui d’Harsefeldt dans le duché de Brême (Allemagne). La famille Bidal prit en titre le nom de ce fief et l’adoucit en Asfeld.
Un descendant, Claude François Bidal, chevalier d’Asfeld, acquiert en 1728, des héritiers De Mesmes, le comté d’Avaux et l’élève au titre de marquisat d’Asfeld. Le vieux bourg d’Écry, devenu Avaux-la-Ville en 1671, porte définitivement le nom d’Asfeld le 16 juin 1730.
Extérieur
L’église d’Asfeld est l’une des plus singulières de France. Son plan reproduit la forme d’une viole de gambe ou encore celle d’un miroir à main. Son architecture privilégie les courbes et contre-courbes, les dômes avec portiques, les colonnades… tous, éléments sont fort prisés en l’Italie à l’époque de sa réalisation.
Une immense rotonde polygonale supporte un dôme, elle est couverte d’une coupole. La brique, fabriquée sur place, constitue le matériau principal utilisé pour la construction du bâtiment, ce qui lui confère un aspect pittoresque ; un péristyle de plan ovale voûté en carène, ceinturant un porche et un vestibule, renforce l’élégance de cet ensemble unique.
La belle construction nécessite pourtant des réparations dès 1733. Les charpentes, la toiture et les tribunes sont reprises.
De 1866 à 1868 le curé Edmond Lamorlette lance une nouvelle campagne de restauration, plus conséquente, cette fois. Elle est conduite par M. Ronssin, l’architecte d’arrondissement. La mauvaise qualité des matériaux d’origine contraint l’homme de l’art à reprendre toute la maçonnerie des fondations sur une profondeur de plus de 2 mètres car l’église s’affaisse de partout.
Le ciment de Vassy, découvert depuis peu par l’Avallonnais Honoré Gariel, est choisi pour consolider l’assise. Le péristyle et toute la colonnade extérieure sont démolis et reconstruits à neuf. Les vases qui ornent les sommets de l’édifice sont refaits à l’identique.
L’intérieur de l’église est restauré en totalité et son mobilier renouvelé entièrement. Dallage, vitraux, autels, statues, confessionnal, chaire à prêcher, fonts baptismaux, grilles, bénitiers, tout est neuf.
Les vitraux sortent de l’atelier Bourgeois de Paris ; les grilles sont confectionnées par Allart, serrurier à Reims ; tous les autres objets proviennent de la maison rémoise Durieux dirigée par M. Bulteau
Les restaurations se poursuivent de 1918 à 2010.
La mise hors eau du bâtiment intervient au lendemain de la Grande Guerre. D’autres travaux sont notés en 1960 : réfection du plafond, du dallage du porche et de la nef. Interviennent ensuite ceux de la couverture du porche, de la porte de la nef et des abat-sons du clocher.
Les années 1966/67 voient s’achever les réparations pour dommages de guerre, celles de 1969/70 sont consacrées à la consolidation des charpentes du chœur.
En 1973, l’intérieur est repeint et badigeonné de blanc ; de 1992 à 1995, les couvertures de la partie occidentale de l’église jusqu’à son clocher sont restaurées et les fondations du porche consolidées.
D’octobre 1998 à mai 2001, sous la conduite de l’architecte Lionel Dubois, l’ensemble des couvertures du chœur et de la nef est refait avec de l’ardoise d’Angers. Les charpentes et les maçonneries sont consolidées, les vitraux nettoyés.
Enfin, de juillet 2008 à décembre 2009, les décors peints cachés sous le badigeon de 1973 sont dégagés et restaurés.
La réouverture au public est officialisée lors d’une inauguration célébrée le 16 janvier 2010.
Si le bâtiment a conservé son allure d’origine, l’essentiel de sa structure et de sa décoration a été revisité tout au long de son histoire.
Intérieur
L’originalité de l’extérieur de l’édifice s’amplifie dès le franchissement de la porte d’entrée. Une alternance de grandes et petites chapelles anime l’espace occupé sous la coupole. En périphérie, des couloirs étroits - les tournelles - relient les chapelles entre elles.
A l’étage, une galerie et une succession de tribunes offrent une vue étendue sur l’espace sacré recevant le maître-autel.
Mobilier
Le grand autel comporte des bas-reliefs représentant des thèmes de l’Évangile :
- les disciples d’Emmaüs dans un cartouche doré de l’antependium
Au retable du gradin d’autel des reliefs peints :
- la Cène
- Jésus au jardin de Gethsémani
- la Crucifixion
- l’apparition du Christ à Marguerite-Marie Allacoque.
Photo : Jose Valente de Pinho
Dans les chapelles, huit vitraux représentent des scènes évangéliques classiques :
- la Visitation
- l’Annonciation
- le baptême de Jésus
- Jésus au milieu des docteurs de la Loi
- la Cène
- l’Ascension
- la Nativité
- la Sainte Famille à Nazareth.
Jésus au milieu des docteurs de la Loi
La Cène
La Sainte Famille à Nazareth
L'église possède un orgue construit vers 1900 par le facteur ardennais Clovis Renault (1843 – 1919) et son fils Pol (Signy-le-Petit).
Le peintre Rostislas Loukine (1904 – 1988) a fait don à l'église d'une icône représentant Marie et les apôtres Pierre et Paul. Il est le créateur de l'Icône : « Notre Dame Protectrice Céleste de la Russie au-delà des Frontières ».
L’ébéniste local Emile Romagny a réalisé une table d’autel en bois richement sculptée de louanges à Dieu.
L'autel d'Emile Romagny - Photo : Jose Valente de Pinho
La statuaire sulpicienne représente :
- saint Didier, patron de l’église en tenue d’évêque sur le maître-autel
- saint Paul tenant l’épée, son attribut habituel
- saint Pierre portant une clé (S. PETRUS)
- la Vierge à l’Enfant (MATER DEI)
- sainte Thérèse de l’Enfant Jésus
- sainte Jeanne d’Arc
- le Sacré Cœur de Jésus
- saint Joseph tenant le lys
Saint Didier patron.- Photo : Jose Valente de Pinho
La Vierge à l'Enfant
Jeanne d'Arc
Un tableau peint, assez sombre, porte la mention : « DONNÉ PAR LE GOUVERNEMENT DE LA REPUBLIQUE 1874 »
La Chapelle Notre-Dame de Pitié
A une courte distance de l’église Saint-Didier, la rue de la chapelle conduit à un petit édifice à nef unique reconstruit en 1865 en brique et en carreaux de craie. La chapelle dédiée à Notre-Dame de Pitié conserve une Piéta comportant une inscription en lettres gothiques : « M. Jhan Lion, curé de cette ville d’Ecry me fit faire avec cette chapelle l’an mil D C edt quatre. Priez dieu pour lui. » La date de 1604 figure au bas de la statue peinte qui est en pierre bleue de Givet. Elle est classée M. H. par arrêté du 5 décembre 1908.
Le groupe sculpté est disposé sur un petit autel placé devant le mur du chevet plat. Celui-ci s’ouvre par trois baies - l’axiale dominant ses voisines – habillées de vitraux représentant les scènes de la Passion et de la vie de Marie. Au mur opposé, dans l’oculus, un vitrail offert par le curé Lamorlette représente le buste de la Vierge en prières.
Le mobilier en bois richement sculpté est de M. Emile Romagny
Notre-Dame de la Pitié Photo issue du site http://www.petit-patrimoine.com/fiche-petit-patrimoine.php?id_pp=08024_1 auquel le lecteur est renvoyé pour une présentation plus détaillée.
(1) http://www.paysrethelois.fr/eglise-saint-didier-d-asfeld-la-curiosite-du-pays.html
JLC
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