L'insolite de l'art chrétien : églises de Champagne-Ardenne

L'insolite de l'art chrétien : églises de Champagne-Ardenne

SAINT-LOUP-TERRIER dévoile les petits trésors de son église

Le journal L'Ardennais : une saine lecture

 

Vous cherchez un but de promenade pour cet après-midi? Le quotidien L'Ardennais vous invite dans son édition du 24 janvier 2016, à venir découvrir l'église de Saint-Loup-Terrier. Il s'y cacherait des petits trésors!

 

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Saisissant l'opportunité offerte, mettons nous en route pour aller apprécier "chaque détail" d'un bâtiment pour "un voyage dans le temps".

Par habitude l'assidu de ce type de visite ne part jamais sans un guide en poche : aujourd'hui le choix de celui-ci est vite trouvé. Le seul récit détaillé racontant Saint-Loup-Terrier se déniche dans "une histoire composée et imprimée par l'abbé Alexandre, curé de la paroisse, pour être distribuée à ses bien-aimés Paroissiens, le dimanche à la sortie de la messe" 1894!.

Fort d'une telle aubaine en poche, la course "aux petits trésors" ne sera qu'un jeu d'enfants!.

Passant rapidement sur les chapitres consacrés aux topographie, toponymie et autres listes de lieudits et hameaux (il y en a quand même onze!), le lecteur se focalisera sur les pages dédiées à l'église, suivant en cela l'article du journal.

Il a d'emblée une pensée émue pour l'auteur de l'ouvrage, qui pour l'écrire "aura consacré plus de 120 journées complètes d'un travail assidu. Labor improbus omnia vincit". Le curé était lettré, il avait lu les Géorgiques de Virgile, il connaissait surtout le latin et savait qu'un travail acharné vient à bout de tout!.

 

Histoire d'archives

 

D'abord il faut se souvenir que Saint-Loup-Terrier porte son nom depuis qu'une ordonnance royale en date du 6 février 1828 a réuni les communes de Saint-Loup et de Terrier.

Avant, et de temps immémorial, la localité se dénommait Saint-Loup-aux-Bois (Sanctus Lupus in bosco). Encore des mots latins que les écoliers de demain ne sauront peut-être plus traduire?...

Il est facile de deviner que l'origine du nom du village est empruntée à l'archevêque Loup de Sens, né en 573, mort en 623 le 1er septembre, date de sa fête dans les églises où il est honoré.

La position du village, jadis en pleine forêt ardennaise, lui aura donné le surnom "aux bois". La célèbre comptine d'auteur inconnu : "Loup y es-tu? Promenons-nous dans les bois" n'est pour rien dans l'origine du toponyme!.

Il est bien probable qu'une église primitive ait été construite après la mort de l'archevêque Loup, encore appelé Leu, car son culte se serait répandu en Champagne, peu de temps après sa disparition.

Le prélat sénonais ne doit pas être confondu avec son homonyme troyen. Saint-Leu de Troyes (383 - †478), compagnon de Germain d'Auxerre, bénéficie d'une iconographie importante en Champagne.

De ces temps reculés, bien entendu les archives en parlent encore!. Par exemple, le nom de la paroisse est cité en 1116 quand l'archevêque de Reims, Raoul le Verd, donne la moitié des dîmes de Saint-Loup au Chapitre de sa cathédrale. Sa nomination à la tête de l'archevêché avait déclenché quelques hostilités, dont une très vive, celle du pape d'alors. Mais les  ardennais restent reconnaissants à l'archevêque pour sa contribution dans la fondation de l'abbaye Notre-Dame de Sept-Fontaines.

 

L'abbé Alexandre aimait fouiner dans les archives.

Il a découvert un parchemin portant sceau et date de 1215. Sur le vélin, un autre archevêque, celui de l'époque, atteste "par la grâce de Dieu" qu'un certain Thomas, chantre et chanoine de Reims, s'est "dépossédé librement et entièrement" des autels de Baalons et de Saint-Loup pour les céder à l'Eglise de Reims.

 

Après avoir survolé ces quelques lignes d'histoire, le lecteur a hâte de découvrir les pages consacrées au descriptif de l'église pour en commencer sa visite.

 

Extérieur



L'accès au bâtiment se mérite. Il faut gravir le coteau calcaire pour rejoindre l'emplacement de l'église bâtie sur un tertre artificiel, un "plateau pratiqué de main d'homme".

L'abbé Alexandre voit cinq raisons qui ont présidé au choix de l'emplacement :

- la salubrité

- l'apparence ("la maison de Dieu doit dominer celles des hommes")

- l'isolement ("loin du bruit et séparé de toute habitation profane")

- la commodité (d'accès, autrefois le village était regroupé autour de l'église)

- l'orientation

L'église ne déroge pas à la coutume : elle est normalement orientée de telle sorte que "le soir les portes ouvertes, on peut voir le soleil, avant de disparaitre à l'horizon, venir en ligne directe inonder de ses rayons la nef et le sanctuaire"

 

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Photo : Patrick Chevallier issue du site Clochers de France : http://clochers.org/Fichiers_HTML/Accueil/Accueil_clochers/08/accueil_08387.htm

 

Avec une précision digne d'un géomètre-arpenteur, le bon curé a calculé que le chemin qui l'amène de la route au portail occidental mesure 53 mètres ; il est "bordé de buissons d'un côté et de l'autre d'une rampe en fer brut posée en 1888". Il est vrai qu'il devait gravir le rude chemin pentu plusieurs fois par jour, une dure épreuve pour un cœur déjà fort sollicité d'un côté, par un amour sans borne qu'il vouait au Christ, et  de l'autre, par la tendre affection qu'il portait à ses paroissiens.

Aujourd'hui les 53 mètres ont partiellement laissé place à 54 marches réparties en 7 volées. Un raccourci qui permet de venir admirer de près "le résultat époustouflant des restaurations réalisées de 1986 à 2002" (1) dans l'église Saint-Loup. C'est par une erreur surprenante, car répétée, que l'auteur de l'article, l'historien Raymond Hardy, place l'église sous le vocable de saint Méen. Le saint breton est toutefois bien présent comme le révélera la visite intérieure.

A la fin du XIXe siècle, le professeur de rhétorique d'Arthur Rimbaud classait l'église de Saint-Loup parmi "les monuments les plus intéressants du département". Le professeur, ami du poète, est plus connu pour la rédaction de sa géographie historique des Ardennes et ses commentaires parfois sévères sur les églises du département. Jean Hubert, puisque c'est de lui dont il s'agit, juge que le «monument intéressant» est somme toute " sans élégance et manque de régularité à cause de l'absence du clocher et du bras droit du transept". Le curé Alexandre piqué au vif par une estocade si directe, contre-attaque et estime, lui, que "ce qui lui donne du cachet et fait son mérite, c'est sa haute antiquité".

Effectivement de l'extérieur déjà, des éléments d'architecture du XIIe siècle s'observent, comme au portail occidental avec ces gros tores disposés en retrait qui portent l'arc en plein cintre. Mais la forme parfaite du demi-cercle légèrement aplanie en forme d'anse de panier révèle la réalisation de travaux  en 1715. L'arc roman parfaitement cintré subsiste partiellement au-dessus.

 

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Vestiges de l'arc roman

 

A l'intérieur, la nef conserve des vestiges plus significatifs de l'époque romane, en particulier au niveau des grosses piles carrées.

Du dehors, la vue des fenêtres hautes, étroites et en plein cintre, conforte l'idée que la construction était achevée à la fin du XIIe siècle, précisément autour de 1192, date à laquelle la paroisse est citée. La charte qui l'évoque, stipule que l'archevêque Guillaume aux Blanches-Mains donne à l'église de Reims la moitié de l'autel de Saint-Loup (patronage et dîme). Il convient toutefois de garder à l'esprit le fait que la bâtisse a fait l'objet de restaurations successives qui ont modifié l'aspect originel et effacé de nombreux marqueurs si précieux pour dater un monument.

Le chevet est plat et aveugle, aucune raison apparente de s'y attarder.

Ce serait pourtant une erreur impardonnable! D'abord parce que le livre de l'abbé Alexandre indique que jadis la plate muraille possédait trois fenêtres avec, au centre, une baie axiale plus haute et surmontée d'un oculus, mais d'ajouter qu'hélas "le tout a été rebouché en 1704".

Cette disposition de chevet à triplet évoque celle, classique, des édifices cisterciens. Pour en voir un exemple proche, il suffit de se rendre au chevet de l'église Saint-Nicolas de Semuy, encore que ce dernier soit bien malade, car ses fenêtres ont été aussi rebouchées, seuls subsistent les encadrements. La présence de cisterciens à Semuy n'est connue que par l'existence d'une simple maison dont le bénéfice appartenait aux moines de Signy-l'Abbaye. De là, l'idée d'y bâtir une église digne de la communauté cistercienne, reste une pure hypothèse.

La seconde bonne raison à s'intéresser au chevet de l'église de Saint-Loup-Terrier tient en deux mots : sa «croix antéfixe».

 

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La croix antéfixe classée par les M.H. comme "oculus eucharistique" au titre d'immeuble en date du 29/08/1984

 

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La croix repositionnée dans le mur

 

Il est juste de qualifier cette croix en pierre de "petit trésor", car ce que le journaliste ne mentionne pas dans son article, c'est qu'elle constitue l'unique exemple ardennais. Elle a été repositionnée à cet endroit en 1715 lors de la construction de la sacristie. Selon l'abbé Alexandre, il s'agit "d'une croix de pierre, nimbée de deux cercles concentriques et ajourés", qui probablement "surmontait l'ancienne façade de l'église", en guise de croix antéfixe.

Ce type de croix est assez répandu ailleurs, en France. De beaux exemples similaires sont vus à Limeux (Cher) ou à l'église Saint-Pierre du Vieil-Artins (Loir-et-Cher) par exemple. Dans son manuel d'archéologie, Camille Enlart donne, au début du XXe siècle, une liste non exhaustive de ces croix nombreuses réparties dans toutes les régions de la France.

 

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Provient de l'église de la Trinité de l'Abbaye-aux-Dames (Calvados), datée entre 1070 et 1130 (photo web)

 

L'exemple le plus proche s'observe au pignon des absides de l'église Notre-Dame de Bruyères-et-Montbérault dans le département de l'Aisne.

 

 

 D'autres, comme le très sérieux service du patrimoine culturel de Champagne-Ardenne (Bruno Decrock), estiment qu'il s'agit d'un œil eucharistique permettant de voir, depuis l'extérieur, le Saint Sacrement exposé sur l'autel. Il est décrit par le service du patrimoine comme étant un "oculus eucharistique en forme de croix sur un pied, dont les branches sont jointes par des cercles" voir : http://inventaire-patrimoine.cr-champagne-ardenne.fr/dossier/oculus-eucharistique/c25855d8-d068-44ca-ad8a-e03eae83f0a2.

La Présence réelle que constitue la réserve eucharistique renfermant les Saintes Espèces, était au Moyen Age, comme de nos jours, matérialisée par une lampe que l'on devait tenir allumée constamment. Les lampes à huile, puis, plus tard, les bougies remplissaient cette fonction, qu'aujourd'hui l'électricité a remplacé.

L'oculus ouvert sur le cimetière "dont il rappelait les antiques lanternes, associait en quelque sorte les défunts à l'acte de vénération et à la réception de la protection divine ; dirigé du côté du village, la lampe toujours allumée constituait un phare mystique, montrant la voie du salut" (2)

La fenêtre de forme circulaire, ornée d'une croix, de cercles et d'entrelacs, évoque une claustra. Sa garniture intérieure est en pierre.

Le motif de décoration d'origine celtique était, parait-il, fort prisé des wisigoths qui l'exportèrent chez les carolingiens ; ces derniers ont reproduit le dessin si particulier en le sculptant aux chapiteaux de leurs églises. Les "ymagiers" romans l'ont répandu partout en France. Plusieurs exemples subsistent comme ceux indiqués ci-après.

 

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Eglise Saint-Genès de Châteaumeillant (Cher) : photo web Office du Tourisme

 

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Eglise voisine de Saint-Jeanvrin (Cher)

 

L'ornement reproduit un quatre-feuilles lancéolé, entrelacé de cercles. "Sa construction géométrique est des plus faciles, mais son pouvoir décoratif, très distinct de l'entrelacs proprement dit, est extrême. Au centre du cercle se touchent quatre circonférences de plus grand rayon, dont les recoupements engendrent la forme gracieuse de quatre pétales en amande ; il suffit de relier ensuite par des lignes droites les quatre pointes pour obtenir la figure complète, qu'on représente soit isolément, soit en répétition. Les ornemanistes wisigothiques la prisaient tant, qu'elle devint en quelque sorte l'un de leurs emblèmes. Elle passe de là dans l'art roman, où on la remarque en particulier sur l'un des chapiteaux de l'église de Combs en Basse-Auvergne, sur le devant d'autel de Saint-Pierre de Bessuéjouls en Rouergue, encadrée par deux motifs de rinceaux entrelacés. (3)

L'œil eucharistique serait une spécificité de la Lorraine, de la Bourgogne et de la Champagne qui connait son essor au XIIIe siècle. Dans les Ardennes, deux étaient connus à Cauroy-les-Machault et à Andevanne. C'est grâce à lui que les lépreux pouvaient recevoir la communion en restant à l'extérieur de l'église puisqu'ils étaient interdits de tout contact avec la population à cause du risque de contagion.

 

Comme le suggère l'abbé, la supposée lucarne de Saint-Loup-Terrier est simplement une croix antéfixe (c'est aussi l'humble avis du lecteur du quotidien l'Ardennais, mais pas celui du journaliste signataire!...) ;  elle date vraisemblablement de l'époque de la construction de l'église, ce qui en fait un vrai petit trésor. (Sur un sujet voisin, on lira avec intérêt l'ouvrage de Jacques Baudoin consacré aux croix du Massif Central reproduit en partie sur le net, depuis Google).

Le bras inférieur de la croix conserve son socle de fixation qui devait être solide pour résister aux durs coups des vents ardennais, ce socle plus large que le bras n'aurait pas raison d'être s'il s'agissait d'un œil eucharistique ; celui-ci aurait eu alors une couronne extérieure, comme l'oculus, pour s'insérer dans la muraille.

Enfin en héraldique le motif celte est abondamment utilisé pour décliner les modèles de croix Triquetra, il est proche de celui de Saint-Loup-Terrier.

 

Le clocher, ou plutôt le clocheton, remplace une structure disparue beaucoup plus imposante, composée d'une tour et surmontée d'un vrai clocher en charpente, de forme pyramidale. L'ensemble s'est effondré en 1661 et n'a jamais été reconstruit à l'identique.

Vu l'énormité des quatre piliers du chœur, la grosse tour devait être passablement massive ; elle ressemblait, aux dires de l'abbé Alexandre, à celle des églises d'Alland'huy ou d'Ecordal (voir : Alland'huy : Sainte Catherine, une église d'un intérêt exceptionnel ou Ecordal : son église, son Christ, ses trésors )

Sur la fiche (4) consacrée à l'église de Saint-Loup, l'expert Philippe Tourtebatte, ingénieur en bâtiments, a proposé une restitution en image de la tour avec le chevet muni de ses 3 baies. Il a supposé que la tour devait être plus élevée en comportant plusieurs étages disposés en retrait et ajourés de baies simples groupées par deux sur chaque face. Ce type de clocher roman est fréquent dans les départements voisins de l'Aisne et la Marne (Urcel, Oulchy-le-Château, Bezannes etc..)

 

Les fenestrages des murs de l'église sont classiques avec :

- au côté sud du chœur une ouverture cintrée du XVe siècle dotée d'un fin remplage

- au côté sud de la sacristie une fenêtre plein cintre avec entourage mouluré, datée de 1715.

 

La visite extérieure peut s'achever par l'examen du portail occidental, qui donne accès à l'intérieur, par une entrée protégée par un toit en appentis.

Le portail est coincé entre deux contreforts qui font saillie ; au-dessus du cintre déjà cité, un cartouche à enroulements porte une inscription : OSTIVM FIDEI ; elle a été diversement traduite en "entrée des fidèles" (1) ou "porte de la foi". L'inscription reproduit simplement un passage du Nouveau Testament ( Actes des Apôtres : Chap 14, verset 27) qui raconte comment Dieu avait ouvert aux païens l'accès de la foi. C'est une façon de rappeler ici que tous, chrétiens et non croyants, sont invités à entrer dans la maison de Dieu.

La porte d'entrée avec son portail est révélatrice d'un autre message.

En mettant en contact deux espaces, l'extérieur et l'intérieur de l'église, la porte marque le seuil, ou la limite de franchissement entre le profane et le sacré. La porte sert de médiation entre l'homme et le divin, elle conduit au salut. On peut alors l'assimiler à la porte du Ciel qui mène l'âme au seuil du Paradis : Evangile de Jean 10 ; 7 et 9 «C'est moi la porte ; si quelqu'un entre par moi, il sera sauvé ; il pourra aller et venir et trouver de la pâture» Jésus étant ici le berger, le pasteur de ses brebis.

Portes et portails d'église ont une fonction d'ouverture, pas seulement physique, mais surtout spirituelle pour accueillir les âmes afin qu'elles rencontrent le divin, mais les inscriptions révèlent aussi parfois un pouvoir d'exclusion.

C'est le cas pour d'autres marqueurs, complémentaires des inscriptions, telles que les croix antéfixes, juchées à la verticale des portails occidentaux. Au Moyen-Age, la croix ainsi disposée, prend toute sa signification par son pouvoir de protection de l'édifice contre démons et autres forces du mal. La croix est censée repousser toutes les forces maléfiques qui se déclinent en tempêtes, catastrophes naturelles, épidémies et autres calamités. Le pouvoir protecteur au rôle répulsif s'étend également aux personnes, il évince les impies ou toutes les personnes mal intentionnées : Psaumes 117/118 ; 20 «Voici la porte du Seigneur, seul les justes peuvent y passer».

La statue d'un saint patron qui serait placée au même endroit exercerait des pouvoirs identiques. Ici la présence de celle de la Vierge est encore plus significative car «Elle est la porte par laquelle le salut est entré dans le monde». Les litanies de Lorette la qualifient de "Porte du Ciel".

Le franchissement d'un portail d'église n'est donc pas anodin, le lecteur devra s'en souvenir!

 

Le pignon entièrement restauré au XVIIIe siècle est percé d'une petite rosace. Une frise striée en arête décore la corniche.

Au centre domine la statue en pierre d'une Vierge à l'Enfant, qui repose sur une acrotère, comme les deux vases Médicis, eux aussi en pierre, disposés aux extrémités ; ils débordent de feuilles d'acanthe et proviendraient de la chapelle du château de Terrier.

A la pointe du pignon une croix antéfixe en fer, toute simple, remplace celle qui a été reportée dans la muraille, mais elle n'a été installée qu'en 1891, puisqu'offerte par le curé Alexandre.

 

De l'extérieur, un dernier regard sera porté sur la toiture ardoisée remise à neuf en 2002. Le résultat est magnifique mais il ne dit plus rien sur la technique et le savoir-faire qui l'ont produit. Car les épaisses ardoises, appelées «faisiaux» dans le jargon des couvreurs, sont fixées à la charpente seulement avec de l'argile pétrie à pieds nus sur le pavé. Aucune pointe n'est donc utilisée pour les maintenir. La méthode requiert toutefois trois conditions : un toit pentu à moins de 25 degrés, une solide charpente et surtout un habile coup de main, digne des meilleurs Compagnons du Devoir.

 

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Etre là, au bon endroit, au bon moment! (5)

Intérieur

 

La nef, bordée de bas-côtés, est de plan basilical. Elle se divise en quatre travées délimitées par des arcades en arc brisé de la période transitoire romano-gothique. Les piliers-supports sont de section carrée et n'ont pour décor qu'une simple imposte moulurée selon le schéma classique rencontré dans les églises voisines de même époque. Les fenêtres sont cintrées à leur sommet et fortement ébrasée à leur base afin de laisser pénétrer la lumière à la verticalité de leur emplacement. Les murs conservent une corniche témoin de l'ancienne toiture.

 

L'émerveillement nait de la contemplation de la voûte charpentée en carène, donnant l'image d'une coque de navire renversée. La belle voûte en bois date, à son origine, du XVe siècle ; elle a été rendue désormais à la vue de tous. Ce n'était pas le cas à la fin du XIXe siècle, car un plafond de sapin posé en 1685, la masquait totalement. Une voûte du même style montée sur aisseliers courbes, s'observe dans l'église Saint-Nicolas de Semuy.

Des cinq belles poutres transversales, il n'en subsiste que trois à Saint-Loup : celle du milieu et les deux extrêmes. Les deux autres ont été sciées en 1685 pour la pose du plafond.

 

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Une des poutres sculptées sous-tend la charpente en forme de carène

 

Elles sont sculptées de figures de guerriers avec des casques, de figures d'anges, d'écussons, de motifs végétaux et aux extrémités de gueules de crocodiles ouvrant largement les mâchoires. Ces poutres sont dites à engoulevent car les animaux monstrueux avalent dans leur gueule l'extrémité de la pièce de bois. Les exemples sont nombreux sur les sablières des églises de Bretagne. (6)

 

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La poutre à engoulevent

 

Les clés de voûte de la nef étaient munies de pendentif. Sur les quatre, il n'en reste qu'un "très remarquable -1,20 m de long -, il représente un groupe de cinq personnages. C'est un homme qui tombe de la voûte, la tête en bas, nu, de forte stature, la bouche béante, les yeux largement ouverts, et serrant la tête entre les mains, comme terrifié du péril qui le menace. Deux anges, serrés côte à côte contre cet homme, tombent dans le même sens que lui et semblent l'entraîner dans leur chute ; tandis que deux autres anges, s'élevant en l'air, le soutiennent de toutes leurs forces, épaules contre épaules, et le font comme accroupir contre la clé de voûte.

Ces quatre anges sont revêtus de longues robes et ont les bras sur la poitrine.

Un de ceux qui tombent a tenu autrefois à la main une épée ou quelque chose d'analogue. L'un de ceux qui s'élèvent a sur sa robe un manteau court, l'autre a les reins ceints d'une corde à nœuds et porte sur la poitrine un cœur en relief accroché à une écharpe qui lui passe autour du cou. Autrefois ces anges avaient des ailes déployées."

Et le brave curé Alexandre d'ajouter :"Si la description de cette curieuse sculpture tombait sous les yeux de quelque connaisseur, je lui serais reconnaissant de me dire ce qu'elle signifie".

Apparemment depuis 1894, la demande est restée sans réponse, malgré la précision du descriptif.

Même s'il n'est pas "connaisseur", un boétien peut estimer avoir un avis sur la question!... Compte tenu de l'importance de son développement, un commentaire argumenté n'a pas place dans le présent article, mais il fera, ultérieurement ici, l'objet d'une signalisation.

D'ores et déjà, "l'homme serrant la tête entre les mains" peut être rapproché de celui observé à Tagnon. Voir : TAGNON : sa foisonnante église Saint-Pierre.

 

Le curé de Saint-Loup-Terrier transmet à nouveau son enthousiasme lorsqu'il évoque les peintures de la nef de son église. En 1891 lui vient l'idée de gratter le badigeon "moderne" qui recouvre les murs. Au-dessus de la porte apparait alors "un personnage de grande taille assis ... , une banderole avec inscription latine en lettres gothiques flottait au-dessus de sa tête". Le personnage est identifié comme étant une représentation du Christ. Ailleurs, au pignon du transept, il dégage une "grande peinture du Jugement dernier. Au milieu est le Christ assis dans les nuées, les pieds sur le globe du monde ; il a la main levée comme pour rendre une sentence. Sa Sainte Mère, les cheveux tressés, la tête nue, est agenouillée à sa droite, les mains jointes, dans l'attitude de la supplication. Au-dessus du Sauveur sont deux anges aux longues robes flottantes et sonnant de la trompette ; autour de lui, les quatre Evangélistes, représentés sous les formes symboliques et la tête nimbée : saint Jean figuré par un aigle ; saint Luc par un bœuf ; saint Marc par un lion ; quant à saint Matthieu, il n'est pas visible ; sans doute il occupait l'emplacement de l'ouverture qu'on a dû pratiquer dans ce pignon pour pénétrer sur le plafond".

 

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Des peintures murales en voie de disparition

 

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Saint Loup exorcise un animal ( peintures vers 1540)

 

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Quelques échantillons mis au jour

 

Les peintures sont datées du XVIe siècle ; malgré leur morcellement, il est étonnant qu'elles ne figurent pas dans l'inventaire des M.H. qui a été dressé en 2012 de manière exhaustive. Celui-ci est consultable, sur le site en ligne du patrimoine (indiqué plus haut).

Elles mériteraient un sauvetage urgent ; l'enduit n'a pas encore révélé tous les secrets qui se cachent derrière lui. La prédominance des tons ocre fait supposer que les artistes ont pu, comme à Alland'huy, utiliser les pigments des terres colorées d'Ecordal, village voisin.

 

Avant de quitter la nef dans laquelle il faudra revenir pour découvrir la statuaire, il est à signaler ce grand bénitier de pierre attenant au second pilier du côté de l'épitre (soit à droite en regardant l'autel). Il était utilisé par les fidèles lorsque, jadis, l'église ne possédait pas encore de bancs. Son intérêt porte sur l'évidement de sa vasque en forme de godrons creusés côté intérieur de la paroi. Le motif souvent représenté sur le mobilier du XVIIIe siècle, tant sur les bénitiers que sur les cuves baptismales, apparait habituellement en relief sur la face extérieure des meubles. Sans certitude il a été daté par les autorités compétentes du XVIe siècle.

 

Le chœur voûté de pierre affiche un style gothique qualifié anciennement d'ogival. Selon P.Tourtebatte "la croisée du transept, base de l'ancienne tour et le chœur ont été remaniés plusieurs fois : changement de parti au niveau des nervures de la voûte en ogive de la croisée et élévation des chapiteaux très sobres à feuilles plates stylisées ; percement des baies au niveau des murs nord et sud du chœur. Ces modifications s'expliquent majoritairement par les travaux nécessaires à la consolidation des bases de la tour du clocher effondrée au XVIIe siècle et l'agrandissement des chapelles nord et sud dès le XIIIe siècle" (4)

Nota : la fiche reproduit le plan détaillé de l'édifice en matérialisant les différentes périodes de reconstruction.

 

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Des chapiteaux très sobres à feuilles plates stylisées

 

Le sanctuaire occupe une travée de largeur. Il communique avec les chapelles latérales par des arcades, plein cintre d'un côté, en arc brisé de l'autre. Son sol est couvert de marbre depuis le milieu du XIXe siècle.

Le maître-autel, en marbre lui aussi, est édifié dans le style baroque des lendemains de la Réforme catholique quand le siècle suivant affectionnera les colonnes à chapiteau corinthien, les guirlandes de fleurs peintes et les dorures à profusion.

Le tableau du retable reproduit la scène de l'Ascension. Généralement les encadrements des tableaux d'autel sont en bois peint. Ici il est en marbre et bois doré. C'est un marbre clair qui s'apparente, de par sa couleur, à celui qui était extrait au siècle dernier des carrières de Vodelée près de Givet.

Dominant le tableau, deux anges adorateurs amplifient par leur attitude de vénération, le sentiment profondément religieux que dégage cet espace sacré.

 

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La montée au Ciel dans une escorte de marbres et de dorures

 

Au bas de la maçonnerie une inscription gravée attire le regard : «Sarasin ... ... 40 ans a posé cette pierre en 1703 ... I. Maudhui... ... c pierre age 56 ans 1703». Les deux maçons ont voulu cette répétition de l'année pour mieux ancrer dans les mémoires futures la reconnaissance de leur travail. La génération d'aujourd'hui leur sait gré surtout d'avoir laissé un jalon qui fait tant défaut parfois pour classer une œuvre dans le temps.

Face à cet autel, il faudra encore détailler la décoration plaquée sur la porte du tabernacle. Elle résume en trois éléments superposés une image de la Trinité en relation avec le sacrifice eucharistique, dont le tabernacle conserve les Saintes Espèces. 

Le tabernacle de Saint-Loup a perdu depuis longtemps son conopée, ce voile tendu devant la porte qui rappelle la tente dressée par Moïse dans l'Exode (Ancien Testament : Exode 33 ; 7). Il conserve cependant le symbole de la Trinité matérialisé par un triangle équilatéral - il faut l'égalité entre les trois composants - au centre duquel se manifeste, par une inscription, le Dieu fait Homme, Jésus Christ, entouré d'une nuée rayonnante.

En-dessous figure le pélican nourrissant de son sang, ses trois petits ; l'image, bien que sans fondement éthologique, rappelle le sacrifice de Jésus mort sur la croix pour racheter l'Humanité.

En bas, l'agneau couché sur le Livre aux sept sceaux se réfère à l'Apocalypse de saint Jean. Les mystères dévoilés successivement font référence à la Révélation liée au sacrifice, ici de l'agneau, l'animal docile par excellence.

La colombe blanche épargnée de toute impureté descend sur le monde comme l'Esprit-Saint qu'elle symbolise ; elle occupe le centre du devant d'autel.

Le voile du tabernacle symbolise le firmament qui sépare le Ciel et la terre, le divin de l'humain. De par son emplacement au centre du sanctuaire, sous la voûte de l'abside ou du chœur, il fait partie du symbolisme hiérarchique de l'église qui identifie les parties hautes de l'édifice avec le Ciel où réside la Trinité. Jadis la voûte du chœur recevait un peinture bleue claire parsemée d'étoiles dorées. A Saint-Loup-Terrier le voûtement de la nef participe à la représentation symbolique dans la mesure où elle peut être interprétée comme l'évocation du baldaquin du Ciel qui, par la grâce de son architecture et celle de ses décors, renvoie à la beauté du royaume céleste.

Le maître-autel présente de grandes analogies avec ceux qui ont été fabriqués à la même époque, c'est une question de mode! Il suffit de le comparer à celui d'Alland'huy, d'Amagne ou de Sainte-Vaubourg pour s'en convaincre. Lui a été financé par Louis de Wignacourt, seigneur du lieu ; le retable, sans doute de moindre coût, a été offert par Marie Jeanne Mayot.

La date de construction est répétée élégamment au sommet du retable.

 

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La croix dominant le maître-autel

 

 

La chapelle latérale nord est celle dite du Rosaire anciennement dédiée à la Vierge.

Son autel en forme de sarcophage est habillé de marbre veiné. Il proviendrait de l'abbaye du Mont-Dieu, comme ceux de Chémery-sur-Bar (daté de 1627) et de Semuy. Retable et tabernacle sont en bois peint et doré. Les quatre colonnes, coiffées de chapiteaux d'ordre composite, alignent des fûts portant cannelures et listels.

Une statue de la Vierge sous l'apparition de Notre-Dame de Lourdes a trouvé place sur le toit du tabernacle par commodité. La porte s'orne d'un ostensoir doré, un rappel eucharistique, cette fois sous la forme de l'hostie.

 

 

La chapelle méridionale renferme un autel ressemblant, par son style, aux deux précédents. Saint Loup en est le patron.

Marbre plaqué pour le meuble d'autel, ou taillé d'une pièce pour les colonnes, le noble matériau enrichit un environnement où dominent bois peint et stuc.

La niche du retable abrite la statue du saint qui apparait en tenue d'évêque mitré et crossé. La table de l'autel n'a plus sa pierre de consécration et ne peut donc plus être utilisée pour le service divin.

 

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L'autel, lui aussi réalisé dans les années 1703/1704, aurait été installé aux frais de Dame Marguerite de l'Aubresle, épouse d'un marguillier du village.

L'hagiographie de saint Loup s'étale dans de nombreux ouvrages. Il n'est point besoin de s'y attarder.

Loup (ou Leu, vient de lupus) est originaire d'Orléans. Il est évêque de Sens de 609 à 623. Après un exil forcé en Neustrie pour avoir contesté l'autorité royale de Clotaire II, il fait un retour triomphal dans la cité sénonaise. Rapidement des miracles se produisent. Le plus connu demeure celui d'Ordon près de Courtenay, quand, célébrant la messe, l'évêque reçoit du ciel une pierre précieuse qui tombe dans son calice. Cette scène miraculeuse fera l'objet de nombreuses représentations. Il meurt le 1er septembre 623 à Brienon-sur-Armançon.

Comme son homonyme troyen, il est invoqué contre la peur (qu'inspirait la vue de l'animal sauvage s'approchant des maisons), contre les douleurs abdominales (les entrailles précisent les textes) et enfin contre l'épilepsie encore appelée : "mal de saint-Leu".

Saint Loup de Sens porte habituellement le pallium, que n'a pas le troyen, et a pour attribut soit un loup à ses pieds, soit une main divine qui laisse tomber une pierre précieuse dans le calice.

Patron des bergers pour sa protection des moutons contre les attaques des loups, il serait encore à l'origine d'une tradition pâtissière. Le gâteau de "saint Loup" se distribuait jadis aux pauvres, signe de charité envers le prochain sensé éloigner le mauvais sort chez les ovins.

Le saint de Sens se fête le 1er septembre ; il est vénéré à Saint-Loup-en Champagne comme à Thugny-Trugny où il est le patron de l'église. voir :Thugny-Trugny : Présentation au Temple.

 

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Statue de saint Loup classée M.H. au titre d'objet (10/09/1964)

 

Une autre statue de saint Loup est conservée dans l'église. l'évêque est assis sur sa cathèdre, revêtu des vêtements liturgiques propres à son rang. Il bénit de la dextre ou tient un objet (crosse ou nœud du calice en lien avec le miracle)? La statue, mutilée au niveau des deux avant-bras, a été réalisée au XVIe siècle dans une pièce de chêne.

Le bloc repose sur un fragment de poutre qui a été sectionnée lors de la réfection de la voûte de la nef. La face visible est sculptée d'un bas-relief représentant un soldat couché portant la brigandine, sorte de cotte de maille en forme d'écailles de tortue ; elle est renforcée aux épaules par des spalières et des tassettes au niveau des genoux. Ce type d'armure connait son apogée au XVe siècle lorsque les poutres de l'église ont été taillées et posées.

 

Le registre de la statuaire est riche à Saint-Loup-Terrier. L'essentiel des saints et saintes représentés appartient au XIXe ou XXe siècles qualifiés encore  de récents dans le domaine de la sculpture. Les statues en plâtre peint sont réalisées à partir d'un moule et produites en séries selon un modèle type classé dans le style sulpicien.

Le culte est rendu à :

- Jésus de Prague (2 modèles différents)

- Jeanne d'Arc

- saint Vincent de Paul

- sainte Claire d'Assise

- sainte Anne éduquant la Vierge

- saint Eloi

- saint Antoine de Padoue

- sainte Germaine

- saint Walfroy (saint ardennais et unique stylite de France)

- saint François-Xavier

- saint Méen (appelé en Ardenne et ayant séjourné à Attigny)

- saint Hubert

- deux Vierge à l'Enfant (mises en sécurité, l'une est de la fin XVIIIe siècle)

- Thérèse Martin en tenue de carmélite.

 

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Thérèse Martin

Cette statue de sainte Thérèse, moins courante que les précédentes, mais qui a au moins une réplique identique dans l'église proche de Guincourt, porte la signature de Fr. M. Bernard.

Frère Marie Bernard est le premier statuaire officiel de Thérèse de Lisieux.

Né Louis Richomme le 13 janvier 1883 à Vire, il

- commence à travailler très jeune dans la ferronnerie (Ets serrurerie Bouffaré).

- entre au séminaire en 1902.

- est fasciné par l'histoire de Thérèse Martin appelée en religion Sœur Thérèse de l'Enfant Jésus et de la Sainte Face

- entre à la Grande Trappe de Soligny en 1907 et prend son nom de religieux

- tente de restaurer la statue vandalisée de la Vierge de la Croix des Monts que lui apporte l'abbé Langlois en 1912.

- sculpte une nouvelle statue la jugeant irréparable (1917).

- devient le sculpteur officiel de sainte Thérèse, lorsque Mère Agnès demande à l'abbé de la Grande Trappe de la conseiller pour réaliser des statues de sa "sainte petite sœur".

- achève sa première statue en 1919.

- signe en 1922 la célèbre "Thérèse aux roses"

- réalise la grandiose Thérèse Docteur de l'Eglise, le bras droit levé vers le ciel, accueillant visiteurs et pèlerins devant la basilique de Lisieux ( 1938).

- demeure le créateur du type iconographique thérésien selon son biographe Pierre Descouvemont.

 

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La signature de Louis Richomme ou frère Marie Bernard.

 

A noter que les statues de Sainte-Thérèse de l'Enfant Jésus porte le cachet de l'Office Central de Lisieux sous l'abréviation : OST.

 

Deux vitraux du siècle dernier habillent les baies de la chapelle nord. Leur iconographie est dédiée à la Vierge. Le premier, désigné "Gerbe Céleste" montre la Vierge accompagné de Jésus adolescent cueillant des brassées de fleurs de lys ; le second illustre l'apparition de la Vierge à Catherine Labouré pendant l'année 1830. Les deux vitraux portent les noms des donatrices impliquées dans le mouvement religieux de Saint Vincent de Paul.

 

Plusieurs tableaux peints suscitent de l'intérêt. Celui qui n'échappe pas aux regards, est placé au centre du retable du maître-autel ; il figure la scène de l'Ascension du Christ. Son auteur a pu être inspiré par l'œuvre du peintre Jean-François de Troy qui réalisa en 1721, pour l'église Saint Jean de Rouen, une toile aujourd'hui conservée au musée des Beaux-Arts de cette ville.

Le tableau de la chapelle du Rosaire est trop dégradé pour autoriser une identification certaine du thème qui est certainement lié à un épisode de la vie de la Vierge. Peut-être s'agit-il d'une Nativité? Des personnages apparaissent en adoration sous des angelots venus du ciel?...

La toile située au-dessus, complètement déchirée, n'est plus lisible.

La sacristie renferme d'autres tableaux sur lesquels sont clairement identifiés sainte Philomène et saint Louis de Gonzague.

Le chemin de croix aligne quatorze tableaux peints à l'huile. Ils sont en bon état après une restauration assurée par des bénévoles de la paroisse en 1990. Ils avaient été offerts par une paroissienne et bénits le 13 juillet 1862.

Les murs conservent quelques parties d'une litre funéraire attribuée au seigneur Louis de Wignacourt, avec ses armoiries. Elle est postérieure à 1719 puisque Louis de Wignacourt assiste le 5 juillet 1719 à la bénédiction de la chapelle du château de Terrier procédée par le doyen du Chatelet, l'abbé Nicolas Malherbe. La litre se prolongeait également au dehors car elle faisait le tour de la sacristie selon l'abbé Alexandre.

 

Longtemps elle a été l'objet d'une fervente piété quand la médecine ne parvenait pas à guérir les corps. Le peuple d'alors mettait tous ses espoirs entre ses mains. A Saint-Loup-Terrier, la relique -c'est d'elle dont il s'agit-, est conservée dans un avant-bras.

 

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La châsse de saint Loup

 

La châsse en bois conserve deux os du corps de saint Loup ; elle a perdu depuis longtemps (avant 1689) ses authentiques (documents prouvant son authenticité), incitant le curé en poste en 1836, l'abbé Routa, à demander une nouvelle relique pour «réactiver» l'ancien culte un peu délaissé en ce milieu de XIXe siècle. Il obtient gain de cause, l'archevêque de Sens consent à lui adresser une nouvelle relique le 21 octobre 1851 ; le curé l'expose sur l'autel. Vers 1858, un pèlerin de Vouziers y ajoute la croix d'honneur en signe de remerciement à la suite d'une demande exaucée par la relique.

Les bras-reliquaires sont peu nombreux dans le département des Ardennes. Le plus ancien est certainement celui de Mairy daté du XIIIe siècle ; il sera bientôt exposé à la vue de tous dans le futur Trésor de la basilique Notre-Dame d'Espérance de Mézières.

 

Une seconde relique à l'origine d'un culte rendu à saint Quentin est conservée dans une monstrance "carrée en cuivre de style Louis XIV". Remisée dans un placard de la sacristie, la châsse a perdu tout intérêt aujourd'hui. Il est vrai qu'elle contient une phalange du saint qui n'a jamais été authentifiée, mais simplement enveloppée dans un papier portant la date de 1710.

 

Aux yeux de l'abbé Alexandre "la plus précieuse relique est une parcelle de bois de la vraie croix enchâssée dans un médaillon fixé au bas d'un crucifix de cuivre argenté. Elle a été envoyée en 1846, avec un authentique muni du seing de Mgr Affre, archevêque de Paris, en date du 13 juillet 1843, et visé par l'archevêque de Reims le 22 juillet 1846". La parcelle de la vraie croix avait été amenée au village par le frère Adréas.

On se souvient que le bois de la vraie croix a été rapporté en Occident par Hélène, la mère de Constantin, dont l'église de Falaise (08) a longtemps conservé une petite partie de ses reliques.

 

Des personnalités locales ont laissé à la postérité un souvenir de leur passage ici bas.

Plusieurs pierres funéraires couvrent le sol. La plus ancienne est celle d'Alix du Planier de Terrier décédée en 1297. Elle se situe dans le bras nord du transept.

 

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Pierre tombale d'Alix classée M.H. au titre d'objet (25/07/1908)

 

Elle porte "cette inscription en capitales gothiques :« ci gist Madame Alis fille iadis mon signevr Aniorrant dov Planier : c vi fvt iadis femme mon signevr Iehan de Morni signevr de Tairiet : qvi trespassa en lan de grace MIL CC IIII XX et XVII le dimange devant les XX iovrs de Noel : povr Diev priies povr s. âme».

Alis est représentée sur cette dalle, de grandeur naturelle, en costume de veuve, ou peut-être de religieuse ; car à cette époque on enterrait souvent les défunts en habit monastique. Elle a les mains jointes ; ses pieds reposent sur deux petits chiens, symbole de fidélité ou indice qu'elle est morte au logis. Elle est sous une jolie arcade ogivale trilobée et surmontée d'une toiture à tuiles imbriquées. Cette pierre était ornée de 20 incrustations en marbre blanc : visage et mains d'Alis ; 2 écussons à la hauteur de sa tête ; un plus petit à chaque angle ; onze étoiles autour du trilobe, et une main bénissante sortant d'un nuage. Toutes ont disparu".

 

 

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Les deux chiens aux pieds de la défunte

 

 

 

 

 Dans la seconde chapelle repose Marguerite de Villesavoie, épouse de Thomas de Courcy, décédée en 1431.

Claude des Ayvelles a aussi sa sépulture érigée en 1626. Quant à Anne de Wignacourt enterrée en janvier 1713, son épitaphe a été martelée "pendant la Terreur, quand on faisait disparaître jusqu'aux derniers vestiges de la noblesse" le coupable : le sieur Raulin Neveux qui obéissait aux ordres des Révolutionnaires!. De la longue inscription, il n'a laissé qu'un mot : St Loup. Heureusement l'abbé Alexandre a pu reconstituer une grande partie de l'épitaphe qu'il a reproduite dans son ouvrage.

 

Le froid des pierres tombales évoque la mort. Ces sépultures ne constituent pas pour autant le "terminus ad quem" de la visite de ce jour.

En opposition, les fonts baptismaux, lieu de régénération, méritent une attention toute particulière. Ils constituent le énième trésor conservé dans l'église depuis le dernier quart du XIIe siècle ou le premier tiers du XIIIe siècle. (7)

Seule de cette époque, la cuve baptismale, est façonnée dans le calcaire meusien. Le pied cubique sur lequel elle repose, est un ajout du XVIe siècle. A l'origine la cuve circulaire était posée sur cinq colonnettes en pierre de même nature.

 

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Cuve romane classée M.H. au titre d'objet (25/07/1908)

 

La vasque est munie de quatre têtes dont la présence est directement liée à la symbolique baptismale (voir : Ardennes : Quelques cuves baptismales romanes) Le décor du pourtour représente "un mufle présumé de félin qui crache symétriquement deux tiges recourbées. Elles sont surmontées chacune de trois palmettes festonnées qui esquissent un mouvement hélicoïdal en retombant. Elles ont alternativement trois, deux et trois limbes. Une autre palmette subdivisée comble l'écoinçon entre les deux brins, sous le masque dont la bouche fait place à une ligature. La tête menue est globuleuse, comme les petits yeux ovales dans leurs orbites aux cercles très marqués...

 

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Le lion cracheur

 

...Le thème du présumé lion cracheur de plantes est un symbole bien connu du Christ ressuscité, dispensateur de vie éternelle. Dans le cas présent, il semble toutefois que l'aspect ornemental l'emporta chez l'artisan sur le message initial néanmoins reconnaissable" (7)

 

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Un sourire figé d'éternité

 

L'article du journal L'Ardennais titrait : les "petits trésors de l'église de Saint-Loup-Terrier". On sait désormais que son auteur a fait preuve d'une modestie contenue. En quittant à regret l'église, le lecteur referme l'opuscule, que l'abbé Alexandre réservait à ses bien-aimés paroissiens, avec pour ultime vision de sa visite, ce sourire éternel d'un inconnu du Moyen-Age.

JLC

 

 Bibliographie sommaire utilisée

(1) Revue Le Curieux Vouzinois N° H.S. VIII - Décembre 2005 - pages 26 à 28.

(2) L'église de Maxéville Léon Germain

(3) Floraison de la SCULPTURE ROMANE Raymond Oursel. Editions Zodiaque 2 Le Cœur et la Main. 1976 page 30.

(4) Fiche cartonnée couleur éditée par l'association Route Guillaume disponible à son siège ou en mairie de Saint-Loup-Terrier.

(5) Renseignements et photo obligeamment communiqués par Michelle Ciolek, responsable de secteur à la Commission d'Art Sacré du diocèse.

(6) Trésors cachés des sablières de Bretagne. textes Claire Arlaux, photos Andrew Paul Sandford. Impressions du Ponant. Editions Equinoxe. Oct. 2007 : voir notamment page 83 la gueule monstrueuse qui happe un singe à la chapelle N-D du Loc à Saint-Avé. ou encore : Les sablières sculptées en Bretagne de Sophie Duhem aux Presses Universitaires de Rennes. 1997.

(7) Les Fonts Baptismaux Romans en Pierres Bleues de Belgique et leur Diffusion en France aux XIIe et XIIIe siècles. Jean-Claude Ghislain Université de Liège. 2005-2006. Archives Départementales des Ardennes.

J'adresse mes vifs remerciements à Mr Belloy, maire de la commune auprès de qui il convient de s'adresser pour visiter l'église.

 

 

 

 

 

 



11/02/2016
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